La distinction entre antisionisme et antisémitisme

Le débat sur les formes antisionistes de l’antisémitisme n’a pas eu lieu après les remarques de Macron à ce propos. On a eu même eu droit à une pétition de type stalinien avec la publication dans Libération d’une pétition de personnalités – des vieux de la vieille de l’antisionisme – qui ont lancé le défi à Macron de venir les chercher si jamais il criminalisait l’antisionisme qu’ils avouent être leur credo. Ce travail sur la convergence de l’antisionisme et de l’antisémitisme a de toutes façons déjà eu ieu durant les années 2000[1] mais les gens ont la mémoire courte.

Une réponse simplifiée avait été donnée par Nathan Shtaransky sous la forme du modèle des 3D: double standard, delegitimation, diabolisation. En somme si, dans votre  critique « légitime » d’Israël, vous pratiquez le double standard moral, critiquant excessivement la politique israélienne sans critiquer celle d’autres pays censés perpétrer la même supposée infraction, alors vous êtes antisémite.

Si , dans votre critique, vous prétendez qu’Israël n’a pas le droit d’exister pour une raison ou une autre, si vous le peignez dans les traits d’une caricature malfaisante et démoniaque alors votre supposé « antisionisme » n’est que la feuille de vigne de votre haine des Juifs.

Si vous fustigez soir et matin la supposée « occupation » de territoires supposés « palestiniens », sans critiquer l’occupation armée de la moitié del ‘ïle de Chpre par la Turquie, l’occupation du Sahara occidental par le Maroc, l’ocupation du Tibet par la Chine, l’ocupation de la Crimée par la Russie, alors là, oui, vous êtes antisémite.

Si vous condamnez Israël pour commetttre à Gaza des éliminations ciblées de terroristes sans condamner la France qui en commet en Irak, alors là, oui, vous êtes antisémite.

Si vous pensez que l’Etat d’Israël n’a pas le droit moral d’exister parce qu’il se serait fondé sur un crime, à savoir la dépossession de 600 000 réfugiés palestiniens, sans prendre en considération que la majorité de la population israélienne que vous condamnez est issue de l’expulsion et de la spoliation de 900 000 Juifs de 11 pays arabo-musulmans, alors là, oui, vous êtes antisémite.

Si toute critique des actes du gouvernement israélien ou des caractères de l’Etat d’Israël vous conduit à accuser Israël de fascisme et d’apartheid en restant silencieux sur la terreur et la persécution des Chrétiens qui règne dans le monde musulman sous tous les cieux (à commencer par Bethléem), alors là, oui, vous êtes antisémite.

Si vous estimez que les Juifs n’ont pas droit à un Etat qui, par définition, serait raciste parce qu’il serait un Etat « juif », sans condamner la République parce qu’elle est déclarée constitutionnellement « française » où l’ALgérie dont le code de nationalité exige pour être citoyen algérien qu’un des deux parents soit musulman, alors là, oui, vous êtes antisémite.

Si vous pensez que l’Etat d’Israël et le « lobby » juifs mènent le monde, sans fustiger la Conférence de l’Organisation islamique qui compte 67 pays, alors là, oui, vous êtes antisémite.

Si l’on analyse bien le système logique du modèle des 3 D, on se rend compte qu’il repose sur le critère du double standard. C’est un critère pratique et opératoire pour juger de la chose, car il ne rentre pas dans le contenu des arguments. Si on condamne en Israël ce à quoi on reste indifférent ailleurs, il est clair qu’on discrimine Israël, que les enjeux soient vrais ou supposés. Ce qui est stigmatisé en Israël (la diabolisation) est en même temps le contenu du jugement  (la déligitimation). En somme, on condamne ce que l’on a d’abord jugé à charge sans avoir fait la démonstration de la raison du jugement, sans avoir examiné la chose.

On voit qu’en fait le problème fondamental, c’est le récit qui rend compte de la réalité. UN fake récit selon l’expression aujourd’hui courant. C’est une fable manigancée par le « ministère de la propagande palestinien », sis à Ramallah, à 15 km de Jérusalem. J’ai évoqué la « supposée » occupation des territoires « supposés » palestiniens, je faisais référence à une description de la réalité courante mais fausse, si cette affirmation prétend se fonder sur le « droit international » invoqué à hue et à dia[2]. Elle est fausse car la présence d’Israël dans ces territoires n’est pas juridiquement une occupation. Elle est la conséquence d’une guerre d’agression et du rejet de plusieurs plans de paix successifs par les vaincus. De surcroît, ces territoires n’ont jamais été sous une quelconque instance palestinienne auparavant. Ces territoires se trouvaient sous occupation jordanienne et égyptienne du fait de la guerre de 1948, ils étaient auparavant sous le Mandat britannique au terme duquel les Palestiniens ont refusé le plan de partage de l’ONU (alors qu’ils n’ont jamais contesté par la suite l’occupation jordanienne). Avant le Mandat, ces territoires dépendaient de l’empire ottoman. Ils n’ont jamais été auparavant « palestiniens ». Ils ne constituaient pas une instance politique spécifique et encore moins « palestinienne ».

*à partir d’une chronique sur Radio J le vendredi 1 er mars 2019


[1] CF. les 18 numéros de la revue Controverses en accès libre : controverses.fr

[2] Voir les travaux d’Alan Baker (Jerusalem Center for Public Affairs)

http://jcpa-lecape.org/author/abbjcpa-com/

Professeur émérite des universités, directeur de Dialogia, fondateur de l'Université populaire du judaïsme et de la revue d'études juives Pardès. Derniers livres parus Le nouvel État juif, Berg international, 2015, L'Odyssée de l'Etre, Hermann Philosophie, 2020; en hébreu HaMedina Hayehudit, Editions Carmel 2020, Haideologia Hashaletet Hahadasha, Hapostmodernizm, Editions Carmel, 2020.