L’Etat-apartheid de Palestine

Que sera l’Etat de Palestine, tant espéré par l’Occident comme la solution miracle, un Etat dont la reconnaissance a été applaudie en standing ovation par le Parlement français et que tous les supposés progressistes du monde espèrent voir advenir? Loin des suppositions floues, nous disposons d’un document palestinien authentique qui nous permet de le comprendre: le projet de constitution de la Palestine, un document porté sur les fonds baptismaux par des Européens, avec l’aide de la fondation allemande Konrad Adenauer[1], une constitution donc que l’on peut supposer être influencée par les membres, les juristes de cette fondation.

 

L’Etat de Palestine sera-t-il un « Etat de ses citoyens », l’Etat-référence pour la gauche postsioniste israélienne et que les « progressistes » tiennent pour la forme la plus élevée de l’Etat, sans identité nationale et ouvert sur le multiculturalisme? On se rappelle qu’en contre jour l’Etat d’Israël est accusé de racisme pour se vouloir un Etat juif, qui donc exclurait tous ceux qui ne le sont pas.

 

La réponse est claire, c’est ce qui est inscrit en toutes lettres dans le projet de constitution du futur Etat :

 

La Palestine sera arabe et musulmane.

 

arabe

« Cette constitution se fonde sur la volonté du peuple arabe palestinien » (Art. 1),

« le peuple palestinien est une partie des nations arabes et islamiques » (Art. 2),

« la souveraineté appartient au  peuple arabe palestinien » (Art. 10),

« le caractère légal du peuple arabe palestinien sera incarné par l’Etat » (Art. 13).

 

musulmane

« L’islam sera la religion officielle de l’Etat » (Art. 6).

« Les principes de la Shari’a islamique sont la source première de la législation » (art 7)

 

La discrimination statutaire des non musulmans: les nouveaux habits du dhimmi

Nous pouvons vérifier l’impact de l’islamité de l’Etat sur les non musulmans. à la lumière de l’opération de diversion rhétorique ( dans la deuxième partie de l’article 6) qui a trait aux non-musulmans :

 

« L’islam sera la religion officielle de l’Etat. Les religions monothéistes seront respectées ».

 

Qui sont ces étranges “monothéistes” (et quid des Indous, des confucianistes, des bahaïs, etc., interdits de séjour en Palestine ?) sinon une version politiquement correcte du vieux statut de dhimmi imposé aux non musulmans (mais seulement aux « gens du Livre ») par la loi coranique ? L’absence des « religions d’Asie » vérifie cette inspiration coranique: les religions non mentionnées n’ont en effet selin la loi islamique pas le choix de survivre dans le monde musulman en optant pour la soumission. Elles doivent se convertir ou mourrir. De toutes façons, parmi les dhimmis en question, il n’y aurait que des chrétiens, puisque de Juifs, il ne devra plus y en avoir dans l’Etat de Palestine…

 

Les Juifs et les Chrétiens seront-ils des citoyens? Non

En Palestine, les Juifs ne seraient théoriquement pas des citoyens, car

 

-ils ne sont ni « Arabes » (clé de la nationalité palestinienne, selon les articles 10 et 13), ni « musulmans » (clé de la loi nationale palestinienne selon l’article 6) ;

-ils seraient, quoique « respectés », hors souveraineté nationale, privilège exclusif des Arabes (art. 10), qui peuvent être chrétiens ou musulmans, certes, mais avec cette réserve que,

 

puisque la loi sera conforme à la loi islamique,

(art 7)  « les principes de la Shari’a islamique sont la source première de la législation. Le pouvoir législatif déterminera la loi du statut personnel sous l’autorité des religions monothéistes conformément à leurs confessions, dans le respect des dispositions de la constitution et de la préservation de l’unité, de la stabilité et du progrès du peuple palestinien (sous-entendu “musulman”) ».

 

-les Arabes chrétiens ne seront que des citoyens de seconde zone, soumis au statut que leur impose la loi coranique, un statut qui les exclut de la loi générale s’appliquant aux musulmans, assorti cependant d’un “privilège” (soit le contraire d’un droit) : comme ils échappent aux règles du droit national (islamique) pour leur statut personnel, ils sont autorisés à le gérer de façon autonome, dans le cadre de leur loi et de leurs tribunaux religieux.  C’était déjà le cas avant l’ère coloniale, avant que l’islam ait perdu tout pouvoir sur les non-musulmans, et c’est bien cette régression que prévoit la constitution palestinienne.

 

 

L’infra texte de la Charte de l’OLP

La Charte de l’Organisation de Libération de la Palestine (1968) n’a jamais été formellement abrogée par un vote, comme le stipulent ses clauses, malgré le processus d’Oslo. La perspective que nous venons d’esquisser apparaissait beaucoup plus clairement du temps où l’OLP ne pratiquait pas le double langage à un point aussi sophistiqué.

 

Les Juifs ne sont pas une nation et n’ont aucune histoire en Palestine

(Art. 20) « La Déclaration Balfour, le Mandat pour la Palestine, et tout ce qui a été fondé sur eux, sont déclarés nuls et non avenus. Les prétentions à des liens historiques et religieux des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits historiques et la véritable conception de ce qui constitue une nation. Le judaïsme, étant une religion, ne constitue pas une nationalité indépendante. De même que les Juifs ne constituent pas une nation unique avec son identité propre ; ils sont citoyens des Etats auxquels ils appartiennent » .

 

La Palestine est arabe

(Art. 1) : « la Palestine est le foyer du peuple arabe palestinien ; c’est une partie indivisible du foyer arabe, et le peuple palestinien est une part intégrale de la nation arabe […]

 

(Art. 13)« L’unité arabe et la libération de la Palestine constituent deux objectifs plémentaires »  […] « le peuple de Palestine joue le rôle d’avant-garde dans la réalisation de ce but sacré ».

 

(Art. 12)« Le peuple palestinien croit en l’unité arabe. Afin de contribuer pour sa part à atteindre cet objectif, il lui faut cependant, à cette étape de sa lutte, sauvegarder l’identité palestinienne et développer sa conscience de cette identité, et s’opposer à tout plan qui pourrait la dissoudre ou lui faire obstacle »

 

La Palestine appartient donc à la Oumma (qui ne peut renoncer à une partie de la terre islamique).

(Art. 1) : « la Palestine est le foyer du peuple arabe palestinien; c’est une partie indivisible du foyer arabe, et le peuple palestinien est une partie intégrale de la nation arabe ».

 

Les Juifs: des traitres sur un plan mondial.

 

(art 23) : « Le besoin de sécurité et de paix, ainsi que le besoin de justice et de droit, requièrent de tous les Etats qu’ils considèrent le sionisme comme un mouvement illégitime, qu’ils déclarent illégale son existence, qu’ils interdisent ses opérations, afin que les relations amicales entre les peuples puissent être préservées, et que la loyauté des citoyens envers leurs pays respectifs soit sauvegardée ».

 

Que désigne cette expression ampoulée de “loyauté des citoyens envers leurs pays respectifs” sinon les Juifs du monde entier (essentiellement les Etats occidentaux), non israéliens, que la charte désigne au soupçon et à la vindicte de leurs Etats respectifs, en laissant entendre qu’ils ne leur sont pas fidèles et pourraient prendre fait et cause pour Israël contre l’intérêt de leurs pays respectifs, qu’ils sont en fait des Israéliens, c’est-à-dire, plus crûment, des Juifs (8) ? Ils sont justement peints dans les traits classiques de l’antisémitisme : le complot juif mondial.

 

Le sionisme, un complot mondial

(art 22) « Le sionisme est un mouvement politique lié de façon organique à un impérialisme international et antagoniste à toute action pour la libération et à tout mouvement progressiste dans le monde. Le sionisme est raciste et fanatique dans sa nature, agressif, expansionniste, colonial dans ses buts, et fasciste dans ses méthodes. Israël est l’instrument du mouvement sioniste, et la base géographique de l’impérialisme mondial placé stratégiquement au sein du foyer arabe pour combattre les espoirs de libération, d’unité, et de progrès de la nation arabe. Israël est une source constante de menaces pour la paix au Moyen-Orient et dans le monde entier. Puisque la libération de la Palestine détruira le Sionisme et la présence impérialiste et contribuera à l’établissement de la paix dans le Moyen Orient, le peuple palestinien demande l’aide de toutes les forces progressistes et tournées vers la paix, et leur enjoint, sans distinction d’affiliation et croyances, d’offrir leur aide et leur soutien au peuple palestinien dans sa lutte pour la libération de sa patrie ».

 

 

La charte du Hamas :

Il est intéressant de souligner que, dans leurs documents constitutionnels, les frères ennemis que sont l’OLP et le Hamas écrivent la même chose des Juifs/Israéliens, quoique de façon plus abrupte dans le cas du Hamas. Qu’on en juge.

 

Sur les dhimmis la charte du Hamas déclare que

« le Mouvement de la Résistance Islamique… est guidé par la tolérance islamique quand il traite avec les fidèles d’autres religions. Il ne s’oppose à eux que lorsqu’ils sont hostiles. Sous la bannière de l’islam, les fidèles des trois religions, l’islam, le christianisme et le judaïsme, peuvent coexister pacifiquement. Mais cette paix n’est possible que sous la bannière de l’islam » (7).

 

La Palestine est un bien religieux (Wakf)

(Art. 11) « Le Mouvement de la Résistance Islamique croit que la Palestine est un Waqf [patrimoine religieux] islamique consacré aux générations de musulmans jusqu’au Jugement Dernier. Pas une seule parcelle ne peut en être dilapidée ou abandonnée à d’autres […] .

 

 

La conclusion de cette courte perspective sur ce que serait la nature du supposé « Etat de Palestine » est accablante. L’écrit est sur le mur mais personne ne veut le voir et cependant tous parlent « démocratie », « deux peuples, deux Etats » et autres mantras de la mauvaise foi. En tout cas sur le plan du supposé « apartheid », on ne peut faire mieux que Autorité palestinienne et Hamas confondus.

 

[1] Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR) : Palestinian draft constitution. Prepared by The Constitution Committee in cooperation with the Konrad Adenauer Foundation.

Professeur émérite des universités, directeur de Dialogia, fondateur de l'Université populaire du judaïsme et de la revue d'études juives Pardès. Derniers livres parus Le nouvel État juif, Berg international, 2015, L'Odyssée de l'Etre, Hermann Philosophie, 2020; en hébreu HaMedina Hayehudit, Editions Carmel 2020, Haideologia Hashaletet Hahadasha, Hapostmodernizm, Editions Carmel, 2020.