Depuis 2007, l’Hashomer Hachadash, une organisation à but non lucratif, aide les agriculteurs israéliens en butte aux vols et aux déprédations en Galilée et dans le Néguev. Tamir Abecassis est le coordinateur des opérations de l’Hashomer Hachadash pour la région sud d’Israël.
Propos recueillis par Pascale Zonszain
Menora.info : Comment est née votre organisation ?
Tamir Abecassis : Hashomer Hachadash (le nouveau garde) a été fondé en 2007 par Yoël Zilberman, officier d’élite de Tsahal et fils d’un agriculteur de Galilée. Son père était régulièrement victime de vol de bétail et de vandalisme de son exploitation par une tribu bédouine voisine, et la police avouait son impuissance. Yoël décide d’aider son père, campe sur place et après quelques accrochages, sa présence dissuade les voleurs de revenir. D’autres agriculteurs apprennent ce qu’il a fait et lui demandent de les aider à leur tour. C’est à peu près à la même époque que l’affaire Shaï Dromi [ce fermier du nord de Beer Sheva, régulièrement harcelé par des voleurs, avait abattu un des Bédouins qui s’étaient introduits dans sa ferme et empoisonné son chien. Il sera acquitté pour légitime défense. L’affaire donnera même son nom à une loi qui reconnait la légitime défense dans les cas d’intrusion dans une propriété avec intention criminelle. NDLR]. Avec On Rifman, ils décident alors de fonder l’Hashomer Hachadash. Ils recrutent des volontaires qui viennent garder les exploitations et aider les agriculteurs aux travaux de la ferme. Nous avons aujourd’hui plus de 70.000 bénévoles qui travaillent avec nous.
Pourquoi ne pas se limiter à la protection ?
Faire des gardes, c’est bien, mais ce n’est pas assez. Si l’on veut qu’un exploitant de 60 ou 70 ans ait un successeur, il faut éduquer une nouvelle génération, qui vienne mettre les mains dans la terre et se lie à elle. Si un volontaire sur mille décide de prendre la suite, pour nous, c’est une réussite. C’est pour cela que nous avons toutes sortes de programmes, avant l’armée, après l’armée, pour les étudiants, et autres. Le jour, ils travaillent, ils étudient l’histoire, l’arabe, le judaïsme, le Krav Maga. La nuit, ils prennent leur tour de garde. Ces jeunes ont aussi un rôle social, ils redynamisent des communautés qui vieillissent, décident parfois de rester ou de revenir s’installer. Nous avons des partenariats avec le KKL et d’autres organismes.
Quelle est la situation actuelle dans le Néguev ?
La criminalité contre les exploitations agricoles y est toujours quotidienne. 75% des agriculteurs subissent des vols, des déprédations, des actes de vandalisme, comme des rodéos de véhicules tout-terrain pour détruire les cultures. Il y a de nombreux vols de récolte et de bétail. Là où interviennent nos volontaires, nous parvenons à inverser la tendance. Que ce soit par des rondes en jeep, des gardes statiques, des surveillances par drones, la présence physique sur le terrain fait office de dissuasion. D’ailleurs, nous sommes également présents dans l’ouest du Néguev, où nous avons déployé 250 volontaires guetteurs de feux, pour repérer les ballons incendiaires lancés par les Palestiniens de Gaza. Il faut préciser que dans cette région, les attaques ne sont pas seulement le fait des Palestiniens. Il y a également des Bédouins qui viennent mettre le feu aux champs.
Est-ce que cette présence sur le terrain ne génère pas des frictions, des incidents violents ?
Non. Il y a très peu de cas de ce genre. La nuit, il suffit souvent d’être là avec des lampes torches et d’allumer un feu de camp, qui peut se voir de loin. Et le message passe : l’exploitation est gardée. Passez votre chemin. C’est efficace. Un voleur cherche le profit, pas l’affrontement. Et les agriculteurs eux, peuvent aller dormir. Depuis plus de dix ans que nous sommes actifs, partout où nous avons posté des gardes, il n’y a pas eu un seul cas de vol !
Vous êtes présents sur le terrain. Vous avez donc des contacts avec la population bédouine. Comment cela se passe ?
C’est vrai que nous sommes d’abord là pour lutter contre la criminalité rurale. Une partie de la population bédouine ne voit dans la loi qu’une recommandation et pas une règle à respecter. Alors, nous essayons aussi de changer cette réalité. Nous avons notamment créé un programme pour les femmes bédouines qui travaillent dans l’agriculture, pour des exploitants bédouins, dans des conditions très précaires. Nous leur proposons de travailler dans le cadre de notre organisation, avec des conditions de salaire et de couverture sociale normales. Parce qu’il est important aussi de montrer qu’il y a une alternative.