De l’école primaire à l’enseignement supérieur en passant par le mouvement de jeunesse, le secteur sioniste religieux a développé ses propres institutions. Quelques points de repère.
Pascale Zonszain
Les courants d’enseignement religieux sioniste
L’enseignement public religieux (Mamlach’ti Dati)
Il dépend du ministère de l’Education et permet une scolarité pour les élèves du primaire et du secondaire avec un enseignement général combiné à des études juives, dans le respect des valeurs de la Torah et du sionisme. Les établissements primaires (du CP à la 6e inclus) sont mixtes ou séparés. Certains séparent filles et garçons à partir du CM1. A quelques rares exceptions, tous les établissements d’enseignement secondaire séparent filles et garçons. Le baccalauréat est l’examen d’Etat.
Après le baccalauréat, les jeunes gens effectuent généralement une année d’études en académie de préparation militaire (Mehina Kdam Tsvaït) comportant une partie d’études juives. Certains optent pour un programme de yéchivat Esder, qui associe l’étude juive à l’accomplissement du service militaire pour une durée supérieure à celle du service obligatoire.
Les jeunes filles religieuses peuvent soit effectuer un service militaire normal, soit un service national (Sherut Leumi) pour une durée d’un ou deux ans de volontariat communautaire ou social. Elles peuvent aussi opter pour un an d’études en Midrasha (collège d’études religieuses pour jeunes filles).
L’enseignement public religieux toranique (Mamlach’ti Dati Torani)
Egalement sous la tutelle du ministère de l’Education, il est comparable à l’enseignement public religieux, mais dans un cadre plus strict et plus orthodoxe. Les garçons et les filles sont séparés dès les petites classes dans des salles, voire des établissements différents.
L’enseignement orthodoxe nationaliste (H’ardal)
La priorité est donnée aux études juives sur les matières profanes. Si les jeunes filles présentent toutes l’examen du baccalauréat, les jeunes gens peuvent choisir de le passer sur deux ans ou seulement à la fin de l’année de Terminale. Ils poursuivent par des études combinées au service militaire ou seulement des études religieuses en yéchiva.
A noter que la mobilité des élèves d’un secteur à l’autre de l’éducation est très limitée et que la grande majorité d’entre eux poursuit sa scolarité dans le courant où il l’a commencée, qu’il soit laïc, religieux ou orthodoxe.
A la rentrée scolaire 2019/2020, l’enseignement public religieux comptait 247.000 élèves, sur un total de 1,8 millions d’enfants scolarisés (source : Bureau Central des Statistiques), soit un peu plus de 13,7%.
Le Bnei Akiva
C’est le principal mouvement de jeunesse du courant sioniste religieux et le troisième plus important en Israël. Fondé en 1929 dans le cadre du mouvement Mizrahi, il vise à former les jeunes à la connaissance du judaïsme, tout en les familiarisant aux valeurs du sionisme. Il s’articule sur le principe de Torah Ve’avoda, (Torah et travail), comme viatique du Juif qui doit étudier et respecter les lois du judaïsme et travailler la Terre d’Israël.
Le Bnei Akiva est traversé par les mêmes débats qui occupent la société sioniste religieuse, notamment sur la question de la mixité, entre libéraux et conservateurs.
Historiquement engagé dans le peuplement du pays et dans l’agriculture, le Bnei Akiva participait activement au mouvement du Kibboutz religieux. Après la guerre des Six Jours, il s’est rapproché de la tendance du Gush Emunim et la construction d’implantations dans les territoires conquis en 1967. Au cours des dernières années, le Bnei Akiva s’oriente davantage vers des projets sociaux.
Le Bnei Akiva est également à la tête d’un réseau scolaire d’une soixantaine d’établissements, yéchivot d’enseignement secondaire pour garçons, ulpanot d’enseignement secondaire pour filles, yéchivot Hesder et internats.
Les yéchivot sionistes
La Yéchiva Merkaz Harav
Fondée à Jérusalem en 1923 par le rav Abraham Itzhak Hacohen Kook, la yéchiva du Merkaz Harav est, jusqu’aux années 60, la seule institution d’enseignement supérieur du courant sioniste religieux. Elle prend véritablement son ampleur à partir des années 50, quand le mouvement du Bnei Akiva encourage ses jeunes à y poursuivre leurs études religieuses après le baccalauréat. Les principales figures du mouvement religieux nationaliste sont issues de ses rangs. C’est d’ailleurs à cette époque, que le fils du rav Kook, le rav Zvi Yehuda Hacohen Kook prend la tête de l’établissement, qu’il dirigera jusqu’à sa mort en 1982. C’est au sein de la yéchiva du Merkaz Harav que se forgera le mouvement du Gush Emunim (le Bloc de la Foi) après la guerre de 1973 et qui militera activement pour le peuplement juif en Judée Samarie, avec le soutien du rav Kook.
Har Hamor, la scission
En 1997, le Rav Zvi Tau quitte le Merkaz Harav pour fonder la yéchiva Har Hamor. Il est à l’époque en désaccord avec le rav Avraham Shapira, directeur de la yéchiva Merkaz Harav sur l’enseignement toranique. Har Hamor se présente comme la continuité légitime de l’enseignement du rav Kook, en particulier sur le caractère sacré de l’Etat d’Israël. La yéchiva Har Hamor est identifiée au courant harédi sioniste religieux.
Les autres yéchivot sionistes
Parmi les autres grands collèges supérieurs d’études talmudiques, on compte la yéchiva Or Etsion, fondée par le rav Haïm Druckman, la yéchiva de Beth El, fondée par des anciens du Merkaz Harav. La yéchiva Ateret Cohanim, située dans le quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem, associe son activité d’études à l’acquisition d’habitations arabes pour y installer ses étudiants. Le Mach’on Meir (Institut Meir) est un autre exemple de l’enseignement religieux sioniste. Fondé à Jérusalem par un ancien du Merkaz Harav, le Mach’on Meir s’adresse à des étudiants qui n’ont pas nécessairement suivi la filière d’enseignement public religieux, mais qui souhaitent renforcer leur pratique religieuse.
Les yéchivot d’enseignement secondaire
Les premiers établissements d’enseignement secondaire à combiner études juives et matières profanes datent des années 30. Il en existe aujourd’hui une quarantaine. Ces yéchivot ont à leur tête un directeur issu du courant sioniste religieux. La journée d’enseignement est généralement divisée en deux parties : le matin est consacré à l’étude de la Torah, du Talmud et de la Halacha. L’après-midi est consacré à l’enseignement des matières profanes et peut se terminer par un dernier enseignement religieux. La yéchiva est uniquement ouverte aux garçons, tandis que les jeunes filles étudient en oulpana, son équivalent féminin. Ces yéchivot sont souvent, mais pas systématiquement, des internats.
Les yéchivot de préparation militaire (yéchiva kdam tsvaït)
Il s’agit de la version religieuse des académies de préparation militaire laïques, qui proposent aux jeunes un programme d’un an entre la fin de leurs études secondaires et le début de leur service militaire, pour les préparer à l’armée. Elles s’adressent aux bacheliers issus de l’enseignement sioniste religieux et bien sûr ne sont pas mixtes. Ces yéchivot de préparation militaire visent aussi à préparer le jeune sioniste religieux à son premier contact avec des jeunes non religieux dans le cadre de l’armée et à renforcer leur attachement religieux, pour leur éviter toute tentation de sécularisation. L’enseignement combine un entrainement physique à des cours de pensée juive. Il encourage aussi à un service dans des unités combattantes.
Les yéchivot Hesder
C’est l’appellation générique donnée au programme dispensé par certaines yéchivot, combinant la poursuite des études talmudiques supérieures, parallèlement au service militaire. Les étudiants effectuent un service d’une durée de 16 ou 24 mois dans les rangs de Tsahal, le plus souvent dans des unités combattantes, et le reste des cinq ou six années de participation au programme, à l’étude religieuse. Cet arrangement (Hesder), qui existe depuis les années 50, a été formalisé avec Tsahal, mais devra faire l’objet d’un nouvel encadrement législatif, quand le parlement israélien aura voté une nouvelle loi sur la conscription. Aujourd’hui une cinquantaine de yéchivot Hesder accueillent environ 1.500 étudiants dans l’ensemble du pays.
Université Bar Ilan
Fondée en 1955 par le Pr. Pinkas Churgin, chef du mouvement Mizrahi aux Etats-Unis, l’université Bar-Ilan porte le nom d’un des rabbins du mouvement sioniste religieux. Conçue pour combiner les études juives et les disciplines profanes, Bar-Ilan est reconnue comme université par l’Etat en 1969. L’université compte aujourd’hui plus de 30.000 étudiants, y compris laïcs ou appartenant à des minorités non juives.