S’il n’est pas forcément connu du grand public israélien, Yoram Hazony a joué un rôle fondamental dans l’élaboration et la diffusion du conservatisme en Israël. Un bestseller aux Etats-Unis en a fait un acteur majeur du conservatisme et une cible de critiques.
Né en 1964 en Israël, Yoram Hazony passe son enfance et sa jeunesse aux Etats-Unis, où son père est professeur de physique à l’Université de Princeton. Il est lui-même diplômé de Princeton et titulaire d’un doctorat de philosophie politique de Rutgers University. Dès cette époque, il se rapproche des cercles conservateurs américains et commence à réfléchir à une université israélienne sur le modèle de Princeton.
De retour en Israël au début des années 90, il fait la connaissance de Benyamin Netanyahou, dont il devient un conseiller, écrit certains de ses discours et l’aide dans la rédaction de ses deux premiers ouvrages. En 1994, il fonde le Centre Shalem. Son ambition est d’en faire un pôle de réflexion destiné à lutter contre la montée du post-sionisme. Avec le financement des mécènes juifs américains Ron Lauder et Sheldon Adelson, le Centre Shalem mobilise de nombreux chercheurs et universitaires et attire aussi des personnalités telles que Natan Sharansky ou l’ancien chef d’état-major Moshe Yaalon. Pour Yoram Hazony, il s’agit de mettre en place tout le système sur lequel doit s’édifier le conservatisme israélien, à travers la publication d’ouvrages et de travaux de recherche avec la revue Azure, la formation d’une nouvelle génération d’intellectuels qui auront pour mission de diffuser la pensée conservatrice vers la classe politique et le grand public. De profondes divergences avec le cofondateur du Centre, Daniel Polisar, le conduiront à quitter en 2012 le Centre Shalem, devenu un collège d’études supérieures.
En 2013, Yoram Hazony fonde l’Institut Herzl, plus modeste dans ses moyens, mais constant dans son projet. Ses thèmes de recherche et de réflexion portent sur l’histoire d’Israël et du sionisme, la pensée juive, mais aussi avec un angle plus interreligieux, notamment protestant.
Si Yoram Hazony était déjà connu hors d’Israël dans les milieux conservateurs, il a véritablement pris une dimension internationale avec la parution en 2018 de son essai « Les vertus du nationalisme », aussitôt bestseller aux Etats-Unis, et traduit depuis dans plus d’une douzaine de langues, y compris récemment en français. Hazony est devenu l’un des principaux chefs de file de la pensée conservatrice, plus encore dans le monde qu’à l’intérieur d’Israël. C’est en particulier aux Etats-Unis qu’il est devenu incontournable. Invité régulier des grands médias et des chaines de télévision, notamment de la conservatrice Fox News, il est désormais une véritable star. « Les vertus du nationalisme » est régulièrement cité et pris en référence de la pensée néo-conservatrice. De nombreux élus républicains s’en inspirent et il aurait même été lu par Donald Trump. Hazony se défend pourtant d’être un néo-conservateur, auquel il préfère le « conservatisme national ». Auprès du public américain, il présente ce courant comme un retour à des principes fondamentaux d’indépendance, de cohésion et de tradition nationales, le tout fondé sur des valeurs, une histoire et une culture partagée par l’ensemble des citoyens.
En 2019, Yoram Hazony devient le président de la Fondation Edmund Burke, un think tank pour le renforcement du conservatisme nationaliste en occident. Il initie la Conférence sur le Conservatisme national, qui se tiendra à Rome, à Londres et à Washington. C’est dans ce cadre qu’il convie des personnalités européennes de la droite nationaliste et populiste, telles que Viktor Orban, Matteo Salvini ou Marion Maréchal, admirateurs déclarés de sa pensée, et en particulier de ses prises de position contre l’Union Européenne, qu’il dénonce comme une entreprise post-nationale et impérialiste. Ce sont ces rapprochements qui lui vaudront des critiques, y compris dans les milieux conservateurs modérés, où l’on considère qu’il est allé trop loin vers le nationalisme.
Interrogé sur ces « liaisons dangereuses », Yoram Hazony répond dans un entretien au quotidien Haaretz en octobre 2020 : « Je ne crois pas que ce soient tous des gens bien. Mais cela fait partie de mon activité, ces dernières années, d’effectuer une première recherche et d’étudier si, dans la nouvelle droite européenne, dans la droite nationale, se trouvent des gens réellement disposés à nouer des relations correctes avec Israël, ou si tout cela n’est que de la poudre aux yeux ».
Bibliographie :
The Jewish State, The Struggle for Israel’s Soul (L’Etat juif, le combat pour l’âme d’Israël), Basic Books, 2000 (en anglais)
The Philosophy of Hebrew Scripture, (Philosophie de l’Ecriture hébraïque), Cambridge University Press, 2012 (en anglais)
God and Politics in Esther, (Dieu et la politique dans le Livre d’Esther), Cambridge University Press, 2016 (en anglais)
Les vertus du nationalisme, 2018 (traduction en français, Editions Jean-Cyrille Godefroy, 2020)
L’Etat juif, Herzl et la promesse du nationalisme, 2020 Ed. Schiboleth (en hébreu)