Vous publiez dans votre dernier numéro une tribune signée par le Professeur Shmuel Trigano et Max Benhamou. Cette analyse remarquable pose la question de l’intégration des Juifs de France en Israël et interpelle les pouvoirs publics israéliens. Il ne fait aucun doute que la volonté des auteurs est de sensibiliser à la nécessité de multiplier les efforts pour faciliter l’intégration des Juifs de France en prenant en considération leur spécificité culturelle. Cette intégration réussie pouvant être le moteur de la Alyah future de nombreux juifs français.
Si le propos est louable il est introduit par une donnée erronée, jamais prouvée, et qui se répand comme d’autres « fake news » sur les réseaux sociaux dans des cercles souhaitant par tous les moyens freiner la Alyah des Juifs de France. Ces 4 dernières années, face à une Alyah historique de près de 25000 juifs de France – chiffre qui ne prend pas en compte les milliers de Juifs français installés en Israël sans avoir acquis la nationalité israélienne pour des raisons diverses – se sont multipliées les tentatives de porter atteinte à cet élan historique. Trois mouvements principaux ont pu être observés :
- Ceux qui au nom de la République tentent de ressusciter l’Israélite de France et la période napoléonienne, confinant les Juifs à une vie de communauté sans dimension nationale
- Ceux qui au nom de la Torah tentent d’expliquer combien dangereuse est la vie juive sur la Terre d’Israël et combien grands sont les risques d’assimilation au sein de la Nation Juive
- Ceux qui font parler des chiffres faux, établissant des théories d’échecs de l’Alyah sur un pseudo retour massif des Juifs en France.
En utilisant l’un ou l’autre des argumentaires, ou tous à la fois, certains ont tenté à leur manière de contrer le cours de l’histoire. A toutes les époques, depuis Avraham, nous savons que nombreux furent ceux qui n’eurent pas cette capacité d’incarner le Peuple en marche vers son destin.
Seulement voilà, ce chiffre « d’un tiers des olim de France qui seraient retournés en France » est faux.
Il est faux car dans les synagogues et les écoles juives de France qui ont vu ces dernières années des dizaines de familles, jeunes ou moins jeunes, faire leur Alyah, aucune n’est en mesure de vous parler d’un phénomène de retour massif. Si ces mêmes structures communautaires pouvaient pointer les départs et mettre en avant le vide laissé par ceux qui ont fait le choix de la Alyah, ils auraient dû être les premiers à pouvoir parler de ces « nombreux » retours. Arpentant régulièrement les communautés juives de France dans le cadre de ma mission, je peux vous garantir que rares sont ceux qui connaissent dans leur entourage une ou deux personnes/familles retournées en France après une alyah non aboutie, et je pose régulièrement la question.
Il est faux, car le très sérieux Institut National des Statistiques israélien a publié le 5 février 2017 une étude portant sur les olim de France entre les années 1990 et 2014. L’objet de cette étude était de vérifier combien parmi ceux qui ont reçu la nationalité israélienne dans le cadre d’une Alyah de France n’avaient pas établi leur « centre de vie » en Israël. Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas d’un énième sondage ou d’une quelconque enquête d’opinion mais de données rigides. Les chiffres montrent que sur l’ensemble des olim français durant cette période, 10% ne vivraient pas en Israël aujourd’hui. Chaque échec, si c’en est un, est à déplorer, même si les raisons sont multiples et diverses. L’intégration est un processus long, parsemé de difficultés, mais il semblerait que ce processus aboutisse pour beaucoup plus de personnes que les rumeurs ne le laissent entendre. Ne crions pas victoire car la route est encore longue mais ne crions pas continuellement au loup de peur d’induire en erreur tous ceux qui projettent de faire leur Alyah dans un avenir proche.
A cette époque particulière dans l’histoire des Juifs de France, il est légitime d’attendre du gouvernement israélien que tout soit fait pour faciliter leur Alyah et leur intégration, pas seulement parce que les Français « le valent bien » mais tout simplement parce qu’il s’agit de l’une des raisons d’être de l’Etat Juif. Il est important de revendiquer haut et fort les besoins et les attentes, mais il est nécessaire de ne pas alimenter par la même occasion toutes sortes de rumeurs sans fondement.
Daniel Benhaïm, Directeur de l’Agence Juive
*Article publié initialement dans LPH Info