*Article publié initialement dans LPH Info
A la suite d’un débat entre diverses personnalités juives françaises connues, et du responsable de la Sokhnouth en France, que nous avons déjà pu lire sur notre site, Sammy Ghozlan a fait paraître une réaction qui nous semble intéressante, même si notre vision des choses est un peu divergente.
Le ‘olé français admire Israël, il reconnait les sacrifices faits par les pionniers pour construire et défendre le pays et l’amener à la place qu’il tient aujourd’hui dans le monde.
Réponse à Daniel Benhaïm, Directeur de l’Agence Juive
J’ai lu attentivement l’article que vous avez publié en réponse à celui rédigé par Shmuel Trigano et Max Benhamou, qui, à mon sens ne vous visait pas, mais avait pour objectif d’alerter les dirigeants de l’Etat juif sur les risques réels de ratage de la ‘Alya des Juifs de France qui « connaît une baisse significative après avoir connu une croissance rapide ».
Ces deux éminents personnages ont eu le courage et la franchise d’exprimer ce que pensent les Juifs de France en général et ce que subissent les ‘olim français en particulier. Ils ne peuvent en aucun cas être soupçonnés de nuire à la réputation d’Israël ; bien au contraire, ils sont tous deux connus pour défendre les intérêts de l’Etat juif, et c’est cela même qui leur confère le droit de pointer les dysfonctionnements qui empoisonnent et compliquent leur intégration, déçoivent et découragent les plus engagés d’entre eux.
Vous avez raison quand vous dites que trois courants tendent à critiquer la ‘Alya, ou la déconseiller, toutefois sachez que les Juifs de France exercent leur libre arbitre, et n’obéissent à aucun mot d’ordre, même lorsque c’est un Premier ministre israélien qui les invite à venir vivre sur la terre de nos ancêtres.
Ils ont compris que la Alya ne peut plus être l’illusion souvent brossée, d’un voyage Paris-Tel Aviv, ou Marseille-Tel Aviv, agrémentée d’un accueil enchanteur à l’aéroport Ben Gourion, avec des drapeaux bleus et blancs, des chansons et des danses ‘haloutsiques, des distributions de friandises, de cadeaux, voire d’un panier social. Passé cela, ils sont livrés à eux mêmes.
Ce n’est pas cela que les Juifs français attendent. La plupart d’entre eux ont déjà vécu, avec leurs parents, un exil, principalement d’Algérie, de Tunisie ou du Maroc. Lorsque les Pieds noirs sont arrivés en métropole, ils se sentaient non désirés. Leur situation s’est nettement améliorée lorsque le Général de Gaulle a crée un ministère des rapatriés qui a regroupé tous les services de nature à mieux accompagner les rapatriés. C’est peut-être est le modèle que le gouvernement d’Israël devrait suivre à propos des ‘olim de France.
Comme Shmuel Trigano et Max Benhamou, je soutiens que la situation des Juifs en France est devenue telle que plusieurs familles éprouvent le besoin de partir ailleurs pour se sentir mieux et offrir à leurs enfants un destin plus serein.
Plusieurs facteurs les y contraignent, la violence antisémite, la détestation d’Israël, les projets européens d’interdire l’abattage rituel, qui constitue entre autres, le principal apport financier des institutions chargées de la juive.
Les Juifs n’occupent plus la même place dans le pays, et l’un des dangers qui les guette c’est la propension de jeunes Juifs à se convertir à l’Islam, non pas par amour d’un homme ou d’une femme, mais par amour de cette religion. Ce nouveau phénomène touche tous les milieux, y compris des familles pratiquantes, même des enfants qui fréquentent des écoles juives. Pour diverses raisons, plus que jamais les Juifs de France devront partir. Pour votre information, j’a été contacté par une association américaine, qui, consciente de la situation des Juifs de France, disposerait d’un nombre important de cartes vertes, destinées à ceux qui voudraient s’installer au USA…
Ne pensez-vous pas qu’il appartient aux gouvernants d’Israël de se pencher sur ce phénomène ? Il ne suffit pas d’appeler les Juifs à venir en Israël comme l’ont fait plusieurs dirigeants israéliens. Il faut aujourd’hui et sans délai tout mettre en oeuvre pour faciliter cette immigration. Cela commence par un meilleur accueil des français.
Contrairement à vous, je considère que l’intégration ne doit plus « être un processus long et parsemé de difficultés » – il n’y a aucune raison à cela. Israël état moderne, à la pointe de l’innovation de la technologie, de l’invention, de la médecine, on doit œuvrer pour modifier certaines structures paralysantes de son système administratif, et introduire autant que faire se peut le français dans les administrations comme cela se fait pour le russe ou l’arabe. Y compris dans les notices des médicaments. Pour étayer votre analyse, vous vous appuyez sur des chiffres. Pour ma part, je me réfère plutôt au vécu de chacune des personnes elles- mêmes, à leur quotidien, Une fois arrivé sur le sol israélien, le ‘olé est livré à lui même et l’Agence Juive se dégage de toute responsabilité.
Le ‘olé se trouve confronté à une administration complexe, archaïque. Certains la qualifient de kafkaienne, d’autres la trouvent empreinte du système soviéto-anglo-saxon… L’être humain ne devient plus qu’un numéro, celui de la « te’oudath zeouth ». Il est difficile pour un Juif européen, et un français, de n’être plus qu’un numéro. Par ailleurs, en cas de contentieux, aucune possibilité de s’adresser à un supérieur hiérarchique, chef de service, directeur, voire à un député.
Il ressent sa situation comme discriminatoire, il s’interroge à juste titre sur le fait que cette administration ne s’adapte pas aussi à lui, comme elle le fait pour les Russes, ou les Arabes.
Pour recenser les problèmes auxquels sont confrontés les ‘olim de France, j’ai décidé d’ouvrir un bureau à Natanya chargé de recueillir les doléances de ces nouveaux israéliens venus de France. Je tiens à votre disposition les formulaires contenant les observations et les difficultés rencontrées par les requérants. Les prix de l’immobilier sont si élevés qu’un nouvel immigrant ne peut prétendre acquérir un appartement, même en vendant sa maison son bien France s’il en possède un. Ne pouvant exercer leur métier, ou obtenir un travail, plusieurs immigrants doivent poursuivre leur activité avec la France, ou se faire embaucher par ceux qui pratiquent le FOREX pour assurer la « parnassa » pour leur famille.
Je pourrais vous citer plusieurs autres obstacles. On prétend que la règle est la même pour tous, alors comment comprendre que les vénézuéliens et les italiens reçoivent l’équivalence de leur permis de conduire sans passer d’examen. Savez-vous que plusieurs « ‘olim » conduisent sans permis, après avoir tenté en vain, maintes fois, de le passer ? Pouvez-vous expliquer pourquoi un conducteur apte pendant un an à conduire un véhicule de location se présente au volant de sa voiture devant l’examinateur qui le recale ? Il s’en retourne en conduisant de nouveau sa voiture. Les français ne comprennent pas les longs délais imposés pour des examens médicaux. A ce sujet M. Ariel Picard membre du Ministère de l’Intégration reprochait aux ‘olim de France d’être des « assistés ». Peut-être faudrait-il ainsi assister tous les patients israéliens ?
Quoi qu’on dise, il est clair que les français contribuent aussi au développement social économique d’Israël. Ils apportent avec eux une autre façon de vivre, le luxe, la fête, leur culture, l’ambition d’une vie de qualité, dans ce pays qu’ils ont toujours idéalisé. …Nombreux, parmi les retraités, ne coûtent rien à la société israélienne. Que peut-on leur reprocher de remplir les synagogues et les restaurants cacher, d’être des électeurs qui votent pour les partis de droite… C’est ainsi et la démocratie israélienne doit l’accepter.
Le ‘olé français admire Israël, il reconnait les sacrifices faits par les pionniers pour construire et défendre le pays et l’amener à la place qu’il tient aujourd’hui dans le monde. Il sait d’autant mieux ce qu’il leur doit, que plusieurs membres de sa famille, précurseurs, y ont participé.
Il est souvent reproché aux français de ne pas s’organiser politiquement comme l’ont fait les Russes. Cela s’explique aisément. Les Russes sont arrivés en masse avec tous leurs intellectuels, et tous leurs cadres. Ce n’est pas le cas des français, dont les intellectuels, professeurs, ingénieurs, étudiants, médecins juristes, penseurs les plus éminents, etc. qui pourraient émigrer, et représenter cette communauté. Ils en sont simplement empêchés du fait qu’Israël ne reconnaît ni leurs diplômes ni leurs qualifications.
M. le Directeur de l’Agence Juive, tous les arguments que nous avançons ne sont nullement des rumeurs mais des faits précis. Cette vérité que les dirigeants d’Israël doivent regarder en face et traiter dans l’intérêt d’Israël et du peuple juif.
Il y a peu de choses à modifier ajuster, réformer et améliorer. Mais il faut s’y employer de suite pour ne pas « rater la ‘alya des français » Ceux ci ne sont pas des numéros, et leur ‘alya ne se mesure pas en statistiques …
Sammy Ghozlan, directeur du BNVCA