Le passé historique du mot « Palestine » – Peleshet/Philistie, Plishtim/ Philistins/Envahisseurs

C’est une ironie de l’histoire qui veut que  durant les années 1960 les Arabes palestiniens aient adopté le vocable « palestinien » (« les Palestiniens ») pour acccréditer l’idée qu’ils étaient les « indigènes », les « autochtones » de ce territoire dénommé Palestine, à l’encontre des Juifs qui y seraient des étrangers.

 

Auparavant, depuis les années 1920, « palestinien » qualifiait le Yishouv (Etablisement) juif de ces territoires définis comme le « Mandat britannique de Palestine ». Mais les Juifs adoptèrent vite le vocable d' »Israël » et d' »Israélien » avec l’indépendance.  Les Arabes de ce territoire se définissaient alors avant tout comme « Arabes » et pas « Palestiniens » et c’est ce qui est bien affirmé dans la charte de l’OLP: ils ne se revendiquaient pas de la « Palestine » mais de la « nation arabe », c’est à dire la « oumma islamique ».

 

C’est le KGB qui en 1964 réécrivit l’histoire pour les « idiots utiles » d’Occident, la gauche socialiste, communiste, tiers mondiste, en faisant de la guerre des Arabes contre les Juifs (ce que fut excactement la guerre de 1948 rassemblant plusieurs pays arabes contre Israël, une guerre semi nationaliste, semi djihadique), une guerre nationale palestinienne contre le colonialisme occidental.

 

Mais d’où venait ce mot de « Palestine » à l’origine? Il est le produit de toute une réécriture. Son arabisation , « Falastine », montre qu’il  n’est pas originaire du discours arabe et de l’invasion arabe  du septième siècle.  Le terme lui même, « Palestina », n’est pas non plus d’origine hébraïque mais grecque et latine. Il est en effet, déjà à ses origines, le produit d’une réécriture de l’histoire car le territoire  ainsi nommé, désignait la « Judée », le dernier pouvoir politique indépendant, avant la domination d’une série d’empires: assyrien , hellénique, romain, byzantin , arabe, turc, anglais. C’est la création de l’Etat d’Israël qui redonne au terme de cette série de dominations à un nom spécifique allant de pair avec une une entité politique: « Israël ».

C’est pour rivaliser avec cette nouvelle donne, l’existence d’un Etat juif, que les Arabes de ces territoires inventent alors « la nation palestinienne » dont il n’existe aucune histoire antérieure spécifique. Avant l’Etat d’Israel, il y avait en effet la domination turque, devenue symbiotique pour les Arabes locaux du fait de l’islam: le califat était turc. Les Arabes de la région appartenaient à la « ouma islamique »…

 

C’est l’empereur romain Hadrien, philosophe, amoureux des lettres et des arts, instaurateur de la paix tomaine, qui avait renommé la Judée « Palestina » pour effacer jusqu’au souvenir les Juifs de leur terre et de la terre, à travers massacres et déportations en servitude (600000 victimes),  et pour empécher toute nouvelle révolte juive mais aussi en vertu du combat religieux (le paganisme) qu’il menait contre le monothéïsme.

Il alla ainsi puiser dans l’histoire de ce territoire le nom des plus grands ennemis des Hébreux, les Philistins, dont la Bible nous rapporte les guerres qui les ont opposés. Hérodote nommait déjà, en grec donc, sous ce vocable un pays qui s’appellait la Philistie, du nom des « Philistins », ses habitants, couvrant un territoire  allant du pays des Phéniciens, la  Liban, jusqu’à la région de Gaza.  Ce terme transcrivait l’hébreu en grec mais dans ce transfert le terme grec perdait sa connotation hébraïque. Le radical qui sert à forger le mot de Philistins/ plishtim et de Philistie/ Peleshet signifie « envahir ». La désignation de ce peuple n’est pas purement idéologique. Elle repose sur un  fait historique avéré et connu. Suite à un cataclysme naturel (l’explosion du volcan de l’île de Santorin), il y eut de grands bouleversements en Méditerranée, des peuples migrèrent, en l’occurence les « peuples de la mer », venus des iles grecques, pour s’établir sur la côte méditerranéenne, notamment pour la Philistie entre Jaffa et Gaza. Il y eut un choc frontal non seulement avec les peuples locaux mais aussi l’Egypte. La guerre avec les Hébreux dans la Bible illustre ces conflits.

 

Hadrien trouva judicieux de renommer la Judée du nom de ses ennemis – d’autant qu’entre temps ils avaient été exterminés par l’empire assyrien -, pour effacer le nom du peuple d’Israël sur sa terre.Il faut avoir l’armature de la méthode philosophique comme Hadrien pour renommer du nom d’un peuple mort et usurpateur la terre d’un peuple que l’on voue à la mort afin de falsifier jusqu’aux vestiges mêmes de son existence…

 

En  se renommant aujourd’hui « Palestiniens » les Arabes de ces territoires se désignent  sans le savoir du nom même des « envahisseurs », ce qui cadre en fait parfaitement avec l’invasion arabe de la Palestina, d’où leur généalogie provient, qui fut la dernière invasion du territoire (si on néglige l’ambivalence arabo-turque via l’islam), avant la résurgence de l’ancienne Judée comme Etat.

 

Outre cette histoire, il y a bien de traditions bibliques et midrachiques concernant ce qui précède les Philistins. Le pays est connu par la Bible pour avoir deux noms, Eretz Israel et Canaan, où vivaient sept peuples, eux mêmes des envahisseurs qui auraient exterminé un peuple de géants, les Rephaïm, dont le personnage de Goliath et celui du « roi de Bassan », Og, sont des vestiges dans le texte biblique, mais je ne peux aborder dans ce cadre là la théorie biblique du rapport à la Terre d’Israël. C’est bien plus complexe et étonnant qu’on ne croit…

 

Professeur émérite des universités, directeur de Dialogia, fondateur de l'Université populaire du judaïsme et de la revue d'études juives Pardès. Derniers livres parus Le nouvel État juif, Berg international, 2015, L'Odyssée de l'Etre, Hermann Philosophie, 2020; en hébreu HaMedina Hayehudit, Editions Carmel 2020, Haideologia Hashaletet Hahadasha, Hapostmodernizm, Editions Carmel, 2020.