L’universel au risque des nations

Extrait d’un commentaire (1993) de la paracha « Vayeshev », choisi par Luc Benhamou

 

« Les philosophes français ont pensé l’universel mais ils ont réalisé l’empire napoléonien français, même si à l’échelle individuelle ils étaient contre car ils étaient révolutionnaires et authentiquement humanistes et universalistes. Il y a une fatalité : aucune nation ne peut être le véhicule de la reconstruction de l’unité humaine parce que chaque nation est elle-même et seulement elle-même. Lorsque la révolution russe a voulu proposer à l’humanité l’idéal de l’universel, elle a imposé l’identité russe. Et il y a eu un impérialisme russe de l’empire soviétique qui a finalement éclaté lorsque les autres nationalités de l’empire soviétique ont secoué le joug du « pharaonisme » stalinien, enfin … soviétique.

 

Effectivement, le français qui pensait les idéaux de la révolution française était sincère mais il n’était que français. Alors cela ne pouvait pas aller pour les autres, à moins de s’habiller à la française mais c’est un habit qui finalement est devenu 4 planches de sapins.

 

Il y a donc une fatalité de l’échec de l’universel chez les Goyim.

C’est vrai à différents niveaux de registres de civilisation. L’universel en politique bascule dans l’impérialisme politique. L’universel en religion bascule dans l’impérialisme religieux. L’universel en philosophie bascule dans l’impérialisme de telle ou telle école, dans le terrorisme intellectuel de telle ou telle école au nom de l’universel.

 

Imaginez, pour remettre cela dans notre propre société, un idéal du Klal Israël qui se transformerait en secte du Klal Israël qui s’imposerait aux autres membres du Klal Israël.

 

Il y a semble-t-il une fatalité que les prophètes d’Israël ont dénoncé dès l’origine : l’empire, ça ne peut pas réussir la messianité !

Il y aura donc conflit impitoyable entre les empires et le peuple de la messianité. Cela nous explique pourquoi la multiplicité intérieure à Israël n’est pas une multiplicité d’origine juive ou hébraïque, c’est une multiplicité d’origine humaine. C’est la multiplicité des Goyim que nous reflétons dans notre société. On en prend bien conscience à la lecture des textes : les fils d’Israël sont nés dans l’exil. Les communautés d’Israël sont nées dans l’exil. Qu’est-ce qui différencie la communauté des Juifs ashkénazes de la communauté des Juifs séfarades ? C’est ce qui différencie les Allemands des Espagnols !

Très peu de Séfardim ont conscience que lorsqu’ils sont orgueilleux d’être séfarades ils sont en réalité orgueilleux d’être d’origine espagnole, ou portugais, et très peu d’Ashkénazim ont conscience que lorsqu’ils sont fiers d’être ashkénazes, au fond c’est qu’ils sont fiers d’être allemands…

 

Il n’y a pas d’autre exemple dans la culture humaine d’une telle générosité spirituelle : se réclamer du nom de nos pires ennemis : quand quelqu’un se réclame d’être Sefaradi, il se réclame des hommes de l’inquisition. Quand quelqu’un se réclame des Ashkenazim, il se réclame des nazis ! »