L’investigation des sources de financement de l’ONG Adala[1] recèle une stupéfaction à laquelle nul ne s’attend. Si elle a pu se constituer, exister, influencer, c’est parce qu’elle a été et est le produit du soutien, voire de la programmation à distance, d’une fondation philanthropique progressiste juive américaine, le New Israel Fund: on pourrait dire, sans exagération, que le nationalisme irrédentiste des Arabes israéliens, l’accusation « morale » lancée contre Israël devant toutes les instances internationales, sont l’effet d’un coup monté de Juifs démocrates américains. En 2017-2018, Le New Israel Fund l’a subventionnée à hauteur de 2 136 325 dollars.
Le New Israel Fund a été très significativement fondé en 1979, à la suite des élections de 1977 qui avaient porté le Likoud au pouvoir, afin de renforcer en Israël la « démocratie », les forces progressistes et d’encourager Israël à se comporter « conformément à la vision de ses fondateurs car le nouveau pouvoir avait trahi la vision d’Israël comme foyer juif et démocratie ». Un dispositif se mettait en place, toujours à l’œuvre aujourd’hui, qui explique beaucoup de choses: le pouvoir que la gauche avait perdu par les urnes, elle tentait de le récupérer par la manipulation de la société civile et de l’opinion publique, une scène par définition extérieure à l’Etat à laquelle elle n’avait plus accès du fait de son désaveu par les électeurs. Sous couvert de « démocratie », de « valeurs », de « vision », d' »éthique », elle contournait ainsi le vote démocratique du peuple qui s’était exprimé dans les urnes, choisissant de ne plus s’adresser à lui mais à l’opinion des pays occidentaux afin de mettre au ban le gouvernement légal d’Israël. Et comme le peuple se voyait alors relégué aux oubliettes[2], elle inventa une série de figures destinées à le remplacer et à le représenter sur la scène politique et judiciaire: les migrants africains, les handicapés, les femmes, les LGBT, les laïques, les Palestiniens, etc. Toutes ces catégories – en fait la galaxie postmoderniste – furent aidées financièrement et sur le plan de leur organisation propre pour devenir des acteurs « civils » qui accableraient judiciairement l’Etat, et feraient pression sur lui.
« Aider au mouvement social, rendre possible l’action des acteurs sociaux » c’est la politique déclarée du NIF. De très nombreuses associations ont ainsi bénéficié de son aide et surtout les ONG bien connues de la mise en accusation politique, juridique et morale d’Israël: Adala, centre légal pour la minorité arabe, l’association pour les droits civils en Israël, Betselem, le centre d’action religieuse d’Israël, le réseaux des femmes d’Israël, Genesis Israel, Bizekhut, Centre des droits de l’homme handicapé, la Maison ouverte de Jérusalem, Kolech, forum des femmes religieuses, Tebeka, centre légal des immigrants éthiopiens, la hotline des travailleurs, Zocherot etc. Le Fonds veut se compter ainsi « parmi les premiers fondateurs de la société civile palestino-israélienne ». Ce qui n’est pas peu dire pour une officine étrangère à Israël, dont l’ambition est pourtant de diriger son débat politique public et de mettre en accusation devant l’instance judiciaire (c’est là que se manifeste la montée en puissance de la Cour suprême) un Etat par ailleurs en guerre, une guerre poursuivie par ses ennemis. Le NIF « respecte le narratif de la minorité arabe d’Israël ». « Il faut beaucoup de respect, de patience, de dialogue pour arriver à une coexistence significative entre ces deux populations ». Pour ces raisons, il s’oppose (mais quel droit des Juifs citoyens américains ont-ils sur l’Etat d’Israël?) à la Loi de la nation[3] qui, selon le Fonds mine le principe des droits égaux des citoyens et favorise les Juifs. La Déclaration d’indépendance affirme déjà, rappelle-t-il, qu’Israël est le foyer du peuple juif et en même temps un pays démocratique qui confère des droits égaux à ses citoyens qui, donc, n’ont pas besoin d’une nouvelle loi. D’autant que cette loi pourrait ouvrir la voie à « l’influence de la loi juive sur la législation »… Le NIF prétend ainsi se joindre, déclare-t-il, à des organisations américaines et israéliennes du « mainstream » et au président Rivlin pour s’opposer à cette loi.
Le bilan des actions menées par les ONG financées par le Fonds est accablant pour Israël: elles sont devenues les accusateurs publics universels de l’Etat d’Israël et plus exactement de sa population juive. Au nom de la « démocratie ».
L’origine de la haine
Du coup le phénomène de la haine d’Israël, en tout cas dans le monde occidental et démocratique, prend une autre tournure. En fait, sous la condamnation d’Israël, le BDS, etc, se mène une guerre intra-juive. Sans doute, au départ, celle de la gauche israélienne qui a perdu le pouvoir depuis Begin, mais aussi celle d’un courant de la diaspora qui a pour objectif d’affaiblir la souveraineté israélienne, de rétrograder l’Etat juif à un rang mineur et médiocre, en rehaussant ses ennemis invétérés. Il y a certes dans ce syndrome une utopie caressée un temps par les néo-con américains, celle de porter la « démocratie » sur toute la planète et de financer et soutenir localement des agences pour la favoriser et lutter contre des pouvoirs autoritaires. L’Europe de l’Est a été le domaine par excellence de cette utopie, mais aussi le monde arabe, mais, à l’inverse de leurs prévisions, les utopistes américains n’ont obtenu de leur « exportation » de « démocratie » que la montée sur scène de courants liberticides: les Frères musulmans (on se souvient du cas de l’Egypte abandonnée aux intégristes par le lâchage de Moubarak par Obama, qui fut le champion de ce délire de puissance messianique qui consiste à croire qu’on va changer le monde). La présidence Obama dont le NIF, par ses dirigeants démocrates mêmes, était très proche, fut justement le sommet de cette entreprise. Le NIF n’a fait que décliner en termes israéliens cette utopie catastrophique de la gauche américaine, bien sûr habillée de tous les clichés des post-modernistes dont le but cardinal, rappelons-le, est de détruire la nation, l’identité nationale des Etats démocratiques d’Occident tout en élevant au pinacle les identités non-occidentales, pourtant la négation stridente de leur pseudo-démocratie[4]. Le cas d’Israël est probant: on fustige l' »ethnicisme » juif et on élève au pinacle l’identité tribale des Palestiniens. L’observatoire que le NIF veut développer sur Israël ne s’intéresse ainsi pas aux turpitudes du monde arabe et islamique ou de l’entité palestinienne. Sans doute celle-ci est-elle tenue pour incarner la « démocratie ». Ainsi, le nationalisme intégriste et réactionnaire de l’organisme qu’est Adala, le caractère ethnique de la Liste Unifiée (où est Adala qui fustige la « démocratie ethnique » d’Israël?), la société tribale et archaïque des Palestiniens où la violence et les « crimes d’honneur » font rage, les meurtres inutiles « au nom d’Allah », de civils juifs innocents, la culture de la violence et l’apologie de la mort et du suicide sacré, l’éducation à la haine des écoles palestiniennes, le refus successif de tout partage et de plans de paix, l’extraordinaire abus de puissance qui pousse Adala tout comme le Haut comité de suivi des Arabes israéliens, à demander des droits nationaux pour les citoyens arabes israéliens en Israël même, qu’il refuse aux Juifs, tout en demandant la création d’un Etat de Palestine, c’est à dire d’un autre Etat et le retour des pseudo « réfugiés » dans « l’Etat de tous ses citoyens » qui prendrait la suite d’Israël, ce scandale de la réalité échappe aux Marie Chantal judéo-américaines. Le plus grave pour ces « démocrates » au petit pied, c’est surtout de dénier le verdict des urnes, de le court-circuiter en détournant la liberté que la démocratie israélienne rend possible, de qualifier la majorité des électeurs du pouvoir de « fascistes » ou entaché d’ethnicité (!), c’est à dire d’une incapacité de s’élever au niveau de l’universel (celui de la oumma?). Ils ont inventé une démocratie sans le contrôle électoral des citoyens.
Pourquoi des Juifs américains?
Et on peut se demander ce qui pousse des Juifs, citoyens américains, à un tel ordre du jour, si ce n’est que l’existence d’un Etat juif, national et souverain, les dérange dans leur condition de citoyens américains, de nationaux américains que gène une expression nationale juive qui n’a rien à voir avec une cause humanitaire mais qui incarne un destin politique. Ils veulent d’un Etat juif qui ne serait qu’un camp humanitaire pour personnes déplacées.
Cette évolution s’inscrit dans les métastases de la Gauche israélienne depuis le lendemain de la victoire de Menahem Begin. Ayant perdu le pouvoir en Israël, elle a entamé une guérilla internationale en vue de préparer son retour au pouvoir, en tentant de remporter la victoire non plus dans les urnes mais sur la scène des pays occidentaux pour mettre au banc le pouvoir israélien sorti des urnes, fustiger ses électeurs des pires qualificatifs et sauver, croît-elle, la « démocratie » israélienne. Cette guérilla n’a jamais cessé depuis. Elle se mène en Israël même au sein des médias, des élites culturelles et intellectuelles. Netanyahou qui a pris la succession de Begin, de Sharon, etc , dans la galerie des figures démonisées et haïes, est l’objet d’une véritable traque médiatico-judiciaire, dont le résultat immédiat aboutit à un dévoiement de la démocratie qui fait de l’instance judiciaire le véritable souverain au dépens de l’exécutif et du politique…
Le phénomène de
l’irrédentisme nationaliste des Arabes israéliens, en tout cas de leur élite
politique partisane, est ainsi inséparable de la guerre des Juifs, de la crise
identitaire et politique de la démocratie israélienne. C’est la discorde qui
déchire la société et la classe politique qui en est la condition de
possibilité.
[1] Voir la fiche que lui consacre l’organisme, observatoire des ONG, NGO Monitor:
[2] J’ai connu cette époque qui vu la classe intellectuelle du parti travailliste et la gauche en général fustiger plus précisément les « Orientaux » responsables d’avoir élu Begin parce qu’ils ne savaient pas ce qu’est la démocratie et qu’ils avaient une identité tribale, infra-nationale. Cette dimension « ethnique » intra-juive est en contrepoint de la situation que je décris. Elle ne s’est pas éteinte depuis. L’occultation par l’élite politique israélienne d’un phénomène historique et politique considérable, à savoir l’expulsion et la spoliation d’un million de Juifs du monde arabe dont 600 000 avaient trouvé refuge en Israël, a ouvert la voie au discours mystificateur des Palestiniens sur les origines et les causes de leur revendication.
[3] Voir le dossier de Menora. info sur la Loi de la nation. https://www.menora.info/le-dossier-du-mois/
[4] Cf. S. Trigano La nouvelle idéologie dominante. Le postmodernisme. Hermann. 2012. Paris.