Il n’existe pas plus de « vote musulman » que de « vote juif »[1], répètent depuis longtemps les analystes, invitant systématiquement les Juifs dans des polémiques où ils n’ont rien à faire. Après les élections présidentielles françaises de 2022 et les scores quasi staliniens de Jean-Luc Mélenchon au sein de communes majoritairement musulmanes, la question est reposée, alors que la réponse a déjà été donnée.
Vote juif ? Vote musulman ? Religion ou culture ?
S’il est vrai que là où il y a deux Juifs, il y a trois partis politiques, une tendance se dégage quand même. Le mode culturel du peuple juif, ses valeurs et son éducation conduisent ses membres, génération après génération, vers l’ouverture et la solidarité, quelles que soient les formes politiques qu’elles prennent à chaque époque.
C’est pourquoi, lorsque les antisémites de droite accusent les Juifs d’avoir inventé le communisme et fomenté des révolutions, ils n’auraient pas totalement tort s’ils remplaçaient « LES » Juifs par « DES » Juifs. Idem pour les antisémites de gauche et de la gauche extrême qui les accusent de solidarité « communautariste », alors que la solidarité des Juifs s’exerce vers tous ceux qui souffrent : la proportion de Juifs qui ont été très actifs dans la conquête des droits civiques des Noirs aux États-Unis et dans la lutte anti-apartheid en Afrique du sud est bien plus importante que celle de tout autre communauté non noire.
Le modèle juif est à l’opposé de la finance musulmano-musulmane et du communautarisme tribal entretenus dans les « cités », que les mêmes antisémites, oups antisionistes, admirent avec une fierté toute paternelle. Pas paternelle, paternaliste.
En tout cas, aujourd’hui, on constate qu’une majorité de Juifs américains vote démocrate et que, en France, du temps où le PS représentait vraiment ses valeurs d’ouverture et de solidarité, une majorité de Juifs s’y reconnaissait. Quand le clientélisme islamiste à base d’antisionisme les a remplacées, de nombreux Juifs sont allés voter ailleurs.
Inversement, à la même époque, les musulmans français, qui ne cherchaient qu’à s’intégrer, votaient en fonction de leurs choix citoyens. Trois ou quatre générations plus tard, quand l’action conjuguée des islamistes et de la gauche, en recherche de damnés de la terre, les a convaincus que leur religion et leur existence même étaient en danger de république, ils votent avec leurs pieds… au derrière des Français.
Aveuglement volontaire ou propagande ?
En 2022, pour la première fois, on peut parler d’un vote musulman.
Certes, en 2012, les chiffres avaient laissé penser qu’Hollande en avait déjà bénéficié : 86 % des Français musulmans avaient voté pour lui au second tour, alors que son score national moyen était de 51,6 %. Les chiffres parlaient déjà la langue, mais la syntaxe était différente : il y a dix ans, la composante sociale influait encore sur les choix électoraux. Les musulmans se situant majoritairement dans les couches les plus défavorisées de la société, comme avant eux, les Polonais, les Espagnols, les Italiens, etc., le vote à gauche était logique. D’après un politologue issu de leur communauté, la composante pro-palestinienne avait aussi joué[2].
En 2022, le candidat islamogauchiste a obtenu une confortable majorité au premier tour de la présidentielle dans les communes où l’islam est la première religion : par ordre décroissant de succès, 65 % à Villetaneuse, 61 % à Trappes et Gennevilliers, 60 % à Bobigny et Aubervilliers, 56 % à Creil et Grigny, 54 % à Mantes-la-Jolie. Ce croisement de deux majorités, densité religieuse multipliée par suffrages mélenchonistes, s’interprète plus simplement qu’en 2012. Une explication aveuglante de simplicité, que la bien-pensance a pourtant rendue impensable : ce vote est la réponse positive de la bergère au clientélisme.
Décryptage en V.O.
Zohra Bitan décode le mécanisme avec brio, grâce à sa connaissance intime à la fois des « cités » et des appareils politiques de gauche. D’après elle, depuis 1981, les apparatchiks du PS font tous clientélisme en première langue.
Musulmane française née de parents algériens pauvres, devenue féministe et laïque, Zohra a claqué la porte du PS après 20 ans de bénévolat et avoir été porte-parole de Manuel Valls. Fonctionnaire territoriale en charge, notamment, de la politique de la Ville, chroniqueuse sur RMC, cette « Grande Gueule » professionnelle n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de parler de « Cette gauche qui nous désintègre », titre de son premier livre paru chez François Bourin en 2014.
D’après Zohra Bitan, les gamins des cités n’ont aucune affinité avec les indigénistes et autres fabricants de victimes professionnelles. Ils ont les mêmes désirs que tous les jeunes de leur âge : un métier, une maison, le mariage et de quoi se payer des vacances. Mais des ambitions aussi universellement modestes ne faisaient pas l’affaire d’une gauche en mal de protégés pour remplacer les ouvriers du peuple de gauche partis chez Le Pen. Encore fallait-il convaincre ces jeunes de leur malheur, pour se poser en fournisseurs exclusifs de solutions.
SOS Racisme a réussi : il a sauvé le racisme
Il y a des racistes en France, comme partout. « Moins qu’en Algérie, mais il y en a », estime Zohra Bitan. « En revanche, parler de racisme systémique est un condensé de mauvaise foi et de bêtise crasse. » Elle a vu, dès le départ, que SOS Racisme relevait d’une « vaste arnaque », devenue un outil non négligeable pour faire monter le Front National et scinder la France en deux selon un axe artificiel : d’un côté les gentils, victimes ontologiques du seul fait de leur origine et/ou de leur religion, et de l’autre, les méchants, racistes par essence, dont la seule voie d’expiation consistait à rejoindre les gentils en laissant leur bon sens dans un verre à dents, sur la table de chevet.
« C’est cela qui est raciste », fulmine la chroniqueuse. « On a essentialisé les gens en fonction de leur origine et on les a cantonnés dans un ghetto mental. L’indigénisme est né de ce paternalisme colonialiste. Il a servi de tremplin à Mélenchon pour passer au communautarisme, puis à l’islam. Tout ça pour « les musulmans » en bloc, sans distinguer les uns des autres, ni les traditions des manœuvres politiques, inconditionnellement. Les soumis à Mélenchon sont conditionnés à croire que défendre l’islamisme est le nec plus ultra de l’antiracisme. »
Quiconque possède une once de bon sens s’interloque d’une telle affirmation. Et tout pareil de la participation de Mélenchon à une manif « anti-islamophobie » organisée, en 2019, avec tout le gratin frériste, par Madjid Messaoudene.
Messaoudene qui riait vendredi, en 2012, de l’assassinat des enfants juifs de Toulouse, dimanche en 2015, ne pleura pas Charlie et ses morts. Mélenchon si. Il pleura et fit pleurer : « Charb, tu as été assassiné comme tu le pressentais par nos plus anciens, nos plus cruels, nos plus constants, nos plus bornés ennemis : les fanatiques religieux, crétins sanglants qui vocifèrent de tous temps “à bas l’intelligence, vive la mort”.[3] »
Si cette volteface est moralement indéfendable, elle prend tout son sens dans l’optique du clientélisme politique : la défense du lumpenproletariat, devenu les immigrés, devenus les musulmans y compris quand ils sont islamistes, est une mission qui gratifie le bienfaiteur, lequel en retour, élève les codes tribaux et les revendications sectaires de ses protégés au rang d’éléments intangibles d’une culture à protéger telle quelle, sans la juger sous peine d’accusation de racisme.
Les Insoumis se soumettent avec jubilation à la soumission
NB pour Hibernatus : Islam signifie « soumission ».
L’idéologie des LFIstes s’accommode d’une supériorité culturelle de la femme voilée sur la femme indécente, du musulman sur le non musulman, des excisées sur les femmes intactes, du mode d’emploi coranique du châtiment des épouses[4], qui sont les marqueurs de la culture des damnés de la terre et, corollairement, les signes de leur propre supériorité doctrinale, donc morale.
Ce faisant, ils nient toute individualité aux « musulmans » pris comme un ensemble, comme un bloc d’opprimés, comme leur propriété privée (un comble !). Leur besoin narcissique d’être les sauveurs d’une humanité en détresse rend indispensable la construction artificielle d’une oppression imaginaire et d’ennemis d’icelle, les oppresseurs fantasmés.
C’est pourquoi les déviants sont combattus avant même les ennemis. Staline s’est réincarné en Mélenchon. Les nouvelles blouses blanches sont toujours appelées traîtres ; elles sont toujours vendues[5], mais l’acheteur n’est plus seulement la bourgeoisie : c’est la République, la France, les sionistes (inutile de barrer la mention inutile : le cumul n’est pas interdit !). D’où les insultes : beurgeois[6], arabe de service[7], traître à ta race[8] et jusqu’à la pire, « sioniste ![9] »
Dans l’islam, l’apostasie est passible de la mort ; dans La France Soumise, l’esprit critique est suivi de mise à mort sociale.
Toutes les sociétés dominées par une tyrannie, qu’elle soit étiquetée de droite ou de gauche, interdisent la parole individuelle qui mettrait en péril l’unanimité et l’obéissance au dogme. Mélenchon a bien visé, car cette unanimité est plus facilement obtenue dans une société dont le ciment est une religion nommée soumission et la force y est révérée, du moment qu’elle vise à étendre le nombre des adeptes, alors que la bienveillance et la tolérances des sociétés à conquérir sont considérées comme des faiblesses utiles à l’entrisme.
2012 : J’te donne le RSA, tu m’donnes ton vote. 2022 : Mélenchon Akhbar
Ce qui a changé, entre 2012 et 2022, c’est que les musulmans modérés ont été pris en tenailles entre la flatterie des islamogauchistes et le rouleau compresseur des imams et des prédicateurs, qui les ont conduits dans l’entonnoir du vote Mélenchon.
Ils n’ont pas fait là le moindre choix politique. Il suffisait de donner aux islamistes la promesse d’une évolution propice à leur propre agenda : autorisation du voile partout et pour toutes (pas pour « toustes » ou pour « celleux » qui le souhaitent, cette fois-ci !), vacances scolaires pour les grandes fêtes musulmanes, horaires aménagés pendant le ramadan etc. Peu leur importaient les orientations pour la France des candidats. À preuve, Eric Piolle, maire écologiste de Grenoble, qui veut autoriser le burkini dans les piscines, est aussi bien vu que sa collègue socialiste, Nathalie Appéré, qui l’a déjà fait à Rennes.
Ceux qui veulent inclure la France dans la Oumma, la communauté des croyants, se fichent du pedigree de leurs idiots utiles. Qu’ils soient de gauche ou de droite, européistes ou souverainistes, keynésiens ou libéraux : ils votent pour celui qui rapprochera la France de la charia. C’est dans cet objectif que les Frères musulmans et d’autres islamistes ont convaincu les imams de prêcher le vote pour Mélenchon. Il est leur idiot le plus utile. Pour l’instant. Ils l’élimineront, avec les communistes, les féministes et les mécréants LGBT, quand ils arriveront au pouvoir, comme leurs alliés l’ont fait en Allemagne en 1933 et leurs semblables en Iran en 1979. Différentes idéologies, mêmes méthodes, mêmes combats, mêmes idiots utiles.
Certains voient en Mélenchon un antisémite
D’autres pensent qu’il s’est saisi en opportuniste de l’antisémitisme, en misant sur un créneau porteur. Exemple : en juillet 2014, après des semaines de bombardements depuis Gaza, Israël a lancé une opération de représailles contre le Hamas. Aussitôt, la fièvre du vendredi soir a touché les banlieues françaises et 9 synagogues ont été attaquées. LFI a soutenu les manifestants et justifié leur action : ils avaient su « se tenir dignes et incarner mieux que personne les valeurs fondatrices de la République française. La République, c’est le contraire des communautés agressives qui font la leçon au reste du pays[10] » (en Mélenchon dans le texte).
Parmi les premiers, les dignes, certains hurlaient « Mort aux Juifs » devant les synagogues. D’autres, rue des Rosiers, ont scandé « Mort aux juifs » et « Israël assassin », avant d’être interpellés par la police, tandis que le slogan de certains manifestants toulousains était : « Non à la barbarie sioniste ». Ils n’avaient, apparemment, rien contre la barbarie antisioniste, qui avait conduit Mohammed Merah, deux ans auparavant, à tuer trois enfants et un adulte dans une école juive de cette ville, « pour venger les enfants palestiniens[11] ».
Les Français juifs sont donc des agressifs à classer parmi les manifestants indignes. 12 d’entre eux tués parce que juifs par des musulmans depuis 2003[12]. Combien de musulmans sortant de la mosquée, agressés par des Juifs au cri de Allah Akhbar ? Combien de morts musulmans kidnappés, torturés, tués par des juifs ?
L’année suivant la déclaration mélenchonienne, une enquête IFOP a montré que « Presque trois fois moins de musulmans (24%) que de juifs (66%) ont déjà été victimes d’une agression verbale liée à leur religion. Et l’écart est encore plus net pour les agressions physiques: 7% des musulmans en ont subi en raison de leur religion contre 34% des juifs.[13] »
Les procédés de Mélenchon rappellent étrangement ceux de l’ex-humoriste Dieudonné. Il utilise, lui aussi, des allusions antisémites à l’ancienne, niées avec une candeur qui est au clin d’œil complice ce que la quenelle est au salut hitlérien.
En 2013, on a pensé à René Char : « il est des hommes toujours en avance sur leurs excréments ». Mélenchon accusait Pierre Moscovici, alors ministre de l’économie, d’avoir « un comportement de quelqu’un qui ne pense plus en français… qui pense dans la langue de la finance internationale.[14] » Mais juré sur le Coran, c’était pas antisémite, d’ailleurs il savait même pas que le youp… euh, que Moscovici était juif !
De la même façon, en 2019, lorsque son ami Corbyn, à la tête du Labour Party anglais, a perdu les élections législatives, Mélenchon a tout de suite repéré l’influence malodorante du péril juif : « Retraite à point, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogante (sic) des communautaristes du CRIF : c’est non.[15] »
Alors, que Mélenchon pratique son antisionisme en flirtant avec l’antisémitisme par conviction ou par intérêt, peu importe : c’est le résultat qui compte.
Depuis 2003, dans notre pays, ce résultat est : 12 morts et 100 000 exils. Si Mélenchon réalise son rêve de devenir Premier ministre, une masse de Juifs français choisira certainement à nouveau la valise plutôt que le cercueil.
[1] Entre des dizaines d’autres : https://www.lexpress.fr/actualite/politique/video-il-n-existe-pas-de-vote-musulman-gay-ou-juif_1108731.html
[2] www.france24.com/fr/20170410-france-politique-vote-musulman-islam-religion-determinant-islamique
[3] https://melenchon.fr/2016/01/07/merci-camarade-hommage-a-charb/
[4] Sourate 4 :34
[5] https://www.leparisien.fr/faits-divers/policier-noir-traite-de-vendu-en-manifestation-quatre-mois-de-prison-avec-sursis-pour-la-youtubeuse-nadjelika-09-12-2021-KQZQAO4M6NBCBNHNGPXTEAX3GY.php
[6] https://www.liberation.fr/france/2003/01/28/les-nouveaux-beurgeois-de-la-droite_429180/
[7] https://www.leparisien.fr/faits-divers/arabe-de-service-le-journaliste-taha-bouhafs-condamne-a-une-amende-pour-injure-publique-contre-linda-kebbab-28-09-2021-QCTZO4AF3BA5VDYM2CSX6JCPGM.php
[8] https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/arabe-de-service-negre-de-maison-traitre-a-ta-race-ce-que-cachent-ces-insultes
[9] https://www.20minutes.fr/societe/1216847-20130902-20130902-imam-drancy-denonce-agression-celle-famille-pres-tunis
[10] https://laregledujeu.org/2017/04/16/31117/melenchon-les-juifs-et-le-peuple-superieur/
[11] https://www.lejdd.fr/Societe/Faits-divers/L-effrayant-testament-de-Mohamed-Merah-497266-3274013
[12] Juifs tués en France, parce que juifs, entre 1980 et 2018 :
- Attentat de la rue Copernic, 3 octobre 1980. 4 morts (dont des « Français innocents ») et 46 blessés. 43 ans après, un procès aura lieu (avril 2023) contre un seul inculpé : Hassan Diab.
- Attentat de la rue des Rosiers 9 août 1982 par le groupe Abou Nidal (FPLP). 6 morts, 22 blessés. Un procès pourrait avoir lieu en 2023 contre un seul des tueurs présumés.
- Assassinat du DJ Sébastien Selam, poignardé par Adel Amastaibou le 20 novembre 2003, pas de procès.
- Kidnapping, torture et assassinat de Ilan Halimi, février 2006. Le chef de gang, Youssouf Fofana, condamné à perpétuité. Tous les complices sont libres, après avoir purgé de courtes peines.
- 7 meurtres par Mohammed Merah à Toulouse, en mars 2012. Victimes : 3 enfants et un professeur juifs et 3 militaires français. Procès du frère instigateur (défendu par Éric Dupond-Moretti) et du complice fournisseur des armes en avril 2019. 30 ans de prison pour le premier et 10 ans pour le deuxième.
- Assassinat de Sarah Halimi, 4 avril 2017. Pas de procès : l’assassin, Kobili Traoré, a été déclaré irresponsable pour avoir fumé du cannabis.
- Assassinat de Mireille Knoll, le 23 mars 2018. Procès en octobre 2021. L’assassin, Yacine Mihoub a été condamné à perpétuité, son complice à 15 ans.
[13] https://www.causeur.fr/musulmans-juifs-discriminations-ifop-kraus-169203
[14] https://www.nouvelobs.com/politique/20130325.OBS2925/ce-qu-a-vraiment-dit-melenchon-sur-moscovici.html
[15] https://www.la-croix.com/France/Politique/defendre-Corbyn-Melenchon-attaque-Crif-2019-12-15-1201066611