A 28 ans, Anastasia Logvinenko dirige NowTecc, une startup spécialisée dans l’analyse et l’optimisation des sites internet. Elle est à l’image de l’esprit d’innovation d’Israël : fonceuse, déterminée, mais avec la tête sur les épaules.
Propos recueillis par Pascale Zonszain
Menora.info : Décrivez nous en quelques mots la technologie de NowTecc.
Anastasia Logvinenko : Notre objectif est d’analyser des éléments créatifs, photos, vidéos et autres créations visuelles, et de comprendre, d’après le lien qui s’opère entre l’internaute et le visuel, quel contenu est bon et quel contenu ne l’est pas et ce qui le caractérise. Cela doit aider nos clients à comprendre et à améliorer le contenu de leur site. Nous analysons les mouvements des internautes sur le site, la façon dont ils réagissent aux différents contenus, s’ils passent rapidement ou au contraire s’ils s’arrêtent. Cela nous permet d’évaluer l’engagement, le lien entre le contenu et l’utilisateur. Il existe déjà des outils d’optimisation pour les sites internet. Là où nous intervenons, ce qui fait notre spécificité, c’est la segmentation des utilisateurs, par la compréhension des actions de chacun d’eux. Peu importe de combien d’informations je dispose sur lui, si je ne suis pas capable de le faire revenir sur le site, je n’ai pas atteint l’objectif. C’est à cela que répond notre technologie.
Votre société est de création récente. Où en est son développement ?
En fait, nous avons commencé par nous présenter au concours du Technion. Nous avons travaillé sur notre idée durant environ six mois à temps partiel. Nous avons avancé dans notre programmation, nous avons parlé avec les gens, nous avons fait un travail de recherche. Et nous avons fini premiers. Nous avons reçu des réactions très favorables à notre technologie et nous avons décidé d’en faire une société. C’est comme ça que NowTecc est née fin 2017. Nous l’avons enregistrée comme société israélienne et nous nous sommes lancés. Notre premier financement a été l’argent que nous avons reçu du concours, puis nous avons intégré un accélérateur et comme notre technologie était opérationnelle, nous avons pu commencer à la vendre très tôt. Dès la fin de l’année 2018, nous avons dégagé des revenus.
Quelle est l’étape suivante ? Est-ce que vous voyez votre startup comme l’étape vers un rachat, ou envisagez-vous de pérenniser votre entreprise sur le long terme ?
Nous en sommes encore au développement. Nous élargissons notre clientèle. Nous voulons développer notre produit et nous avons déjà des idées de développement de produits futurs. Nous voulons encore affiner les performances de notre technologie. Donc nous sommes à la fois sur le développement et sur la phase commerciale. L’étape suivante sera de choisir entre deux options : transformer la startup en grande société, comme l’ont fait Melanox ou Taboola, ou bien la vendre, comme l’ont fait beaucoup d’autres. Pour l’instant, je ne saurai dire quel sera notre choix. Mais je vois qu’il y a une énorme demande pour notre technologie.
Quelle est votre formation ?
Nous sommes tous diplômés du Technion. Je suis diplômée de la faculté d’ingénierie électrique, ma spécialité est la programmation et les algorithmes. Je suis passée ensuite par la société Melanox, où j’ai fait beaucoup d’analyse de données. Et j’ai effectué mon service militaire au sein de l’unité 8200 de Tsahal.
Quand on a pour outils de travail des algorithmes et l’intelligence artificielle, pense-t-on parfois au monde que l’on est en train de transformer ? Est-ce que c’est une réflexion qui vous occupe ?
Nous nous adressons à des gens qui ne sont pas dans la technologie. Ce sont plutôt des créatifs, qui réfléchissent à des concepts. Nous les aidons à comprendre les effets de leur contenu, le lien qu’ils créent avec les utilisateurs, les visiteurs de leur site. Mes outils algorithmiques ont une finalité concrète d’assistance et d’optimisation des contenus, en remplaçant un travail qui se faisait jusque-là « à la main ». Mais nous n’intervenons pas sur la créativité. Nous ne cherchons pas à contrôler l’utilisateur, ni à influer sur ses décisions. Nous ne voulons pas apprendre le comportement de l’internaute, seulement comprendre ce qui fait qu’un contenu est bon ou pas. Nous aidons l’administrateur du site à savoir quel type de contenu visuel retient plus l’intérêt du visiteur.
Quand vous étiez petite, vous vouliez déjà créer une startup ?
Quand j’étais petite, je voulais faire beaucoup de choses ! Et puis cela a évolué avec le temps. Mais ce qui est certain, c’est que j’ai toujours été attirée par l’innovation. Depuis l’enfance, j’ai toujours voulu faire quelque chose qui changerait le monde, quelque chose de positif, qui aurait un impact. Mais je ne me suis jamais demandé si je réaliserais cela en créant ma propre entreprise ou en travaillant pour les autres. Et puis je suis devenue « startupiste » et c’est vraiment intéressant.
Pourquoi le monde du high-tech est-il si dynamique en Israël ?
Je crois qu’il y a quelque chose dans la culture israélienne, qui veut toujours trouver des solutions aux problèmes. Pendant mon service dans l’unité 8200, je me souviens que c’est quelque chose qui revenait souvent : il y a un problème. Qu’est-ce qu’on fait pour le résoudre ? Toute la réflexion sur : construis quelque chose, pense à ce que tu veux faire, crée quelque chose de nouveau qui n’existe pas encore, cela fait partie du processus. Et cela a toujours fonctionné de cette façon, aussi quand j’ai fait mes études, puis quand j’ai commencé à travailler. C’est toujours la même approche. Et ici, à Tel Aviv, on peut venir avec une idée complètement folle, et les gens la soutiennent, ou bien ils vous diront que vous n’êtes pas tout à fait sur le bon cap. Mais il y a toujours un énorme encouragement à l’innovation. La société y encourage beaucoup. Vous recevrez toujours des réactions qui vous aideront à continuer. Je pense que cela caractérise la société israélienne, cette volonté de trouver des solutions aux problèmes. Il y a aussi une grande ouverture d’esprit.
Où vous imaginez-vous dans dix ans ?
Dans dix ans ?! (Rires). Waouh ! Certains vous diront que je serai peut-être dans une île à Hawaï. Ou peut-être que notre entreprise va continuer à se développer et que je devrai déplacer son activité aux Etats-Unis parce que c’est là-bas que se trouvera l’essentiel de notre clientèle et que nous devrons devenir une société internationale. Je ne sais pas. Dix ans, c’est loin. Tout est possible !