Les Arabes chrétiens israéliens ont une identité plus composite que leurs concitoyens musulmans. Plus ouverts à la coexistence avec la majorité juive, ils ne vont pas jusqu’à se démarquer franchement de la communauté musulmane.
Pascale Zonszain
Les communautés
Pratiquement tous les courants du christianisme sont représentés en Israël. Les principales communautés, dont les fidèles sont majoritairement des Arabes chrétiens, citoyens israéliens sont les communautés grecques, catholique et orthodoxe et la communauté catholique romaine. Sont également représentées les églises maronite, arménienne, syrienne, copte et éthiopienne, ainsi que les luthériens, les anglicans et plusieurs communautés évangéliques.
La perception identitaire
Les Israéliens chrétiens arabes sont dans leur ensemble assez peu pratiquants, même s’ils préfèrent éviter les mariages interreligieux. S’ils vivent principalement dans des agglomérations arabes majoritairement musulmanes, ils ne calquent pas en tout leurs positionnements politiques et sociaux sur leurs concitoyens musulmans.
En 2016 l’Israel Democratic Institute avait présenté un indice des positions des citoyens israéliens arabes. Dans cette étude, on constatait notamment des différences entre chrétiens et musulmans dans leur définition identitaire. Les chrétiens étaient ainsi 32% à se définir d’abord comme arabes, puis à 22% comme israéliens, 18% comme chrétiens et 14% comme palestiniens. Les musulmans se définissaient à 28% d’abord comme musulmans, à 23% comme arabes, 25% comme israéliens et 13% comme palestiniens.
Les chrétiens se déclaraient plus ouverts que les musulmans à la coexistence avec la majorité juive. Ils étaient aussi plus nombreux que les musulmans à reconnaitre la légitimité de la loi avant celle de leur religion, quand les deux venaient en contradiction. Les musulmans étaient 56% à donner la priorité à l’islam, tandis que les chrétiens étaient 24% à faire passer leur religion avant la législation civile.
Les Arabes chrétiens ressentent moins que leurs concitoyens musulmans les tensions entre Juifs et Arabes comme principal facteur de tension social. En revanche, ils sont beaucoup plus critiques à l’égard de leurs dirigeants arabes. 72% des chrétiens reprochent à leurs représentants politiques de se préoccuper d’abord des Palestiniens, alors que les musulmans ne sont que 59% à leur adresser ce reproche.
Le comportement électoral des Arabes chrétiens est également moins homogène que celui des musulmans. Au scrutin d’avril 2019, les électeurs chrétiens ont voté à 54% pour des partis arabes et à 46% pour des partis juifs. Leur taux de participation – 55,7% – est toutefois resté inférieur à la moyenne nationale.
Le regard juif
La population juive israélienne est, dans son ensemble, peu exposée au monde chrétien, qu’elle ne comprend pas ou très peu, principalement parce que leurs concitoyens arabes chrétiens mettent peu en avant leur identité religieuse. Pour la majorité des Israéliens juifs, les chrétiens israéliens sont d’abord des Arabes, au même titre que leurs concitoyens musulmans. La différence n’apparait qu’au moment de la fête de Noël, où les villes à population chrétienne se pavoisent de sapins et de guirlandes et prennent des airs d’Europe, donnant pour quelques jours, l’illusion d’un exotisme intérieur. Les célébrations organisées à Nazareth, Haïfa ou Jaffa attirent d’ailleurs un important public juif.
C’est surtout depuis l’arrivée de populations chrétiennes extérieures à Israël, en particulier les travailleurs migrants et dans une moindre mesure les immigrants chrétiens des pays de l’ancien bloc soviétique, que le regard juif a commencé à évoluer. De nouvelles communautés chrétiennes, principalement catholiques, se sont créées pour accueillir les migrants, y compris avec des cours de catéchisme pour les enfants nés et scolarisés en Israël. Avec des enseignements et des prières souvent dispensés en hébreu. Ces chrétiens, qui vivent principalement dans les agglomérations juives, rendent peu à peu le christianisme plus familier aux Israéliens.
Le cas des Araméens
Encore très minoritaire, un nouveau mouvement émerge dans la communauté chrétienne maronite, qui choisit de revendiquer son identité israélienne, en réaction à l’identité arabe qui lui avait été imposée jusque-là (voir l’interview de Shadi Khalloul). C’est en 2014 que le ministère israélien de l’Intérieur a ajouté l’identité araméenne comme définition nationale, pour ceux qui souhaitent la faire inscrire sur leur état-civil. Ces chrétiens araméens prônent une intégration totale dans la société israélienne, y compris par le service militaire. Leur chef de file religieux, le père Gabriel Naddaf a même été distingué par Israël, en participant en 2016 aux cérémonies de la fête de l’Indépendance. Mais cette tendance reste encore largement rejetée par la majorité de leurs coreligionnaires arabes israéliens.