Le premier projet de « Loi de la nation » avait provoqué la chute du gouvernement Natanyahou. Le projet actuel a déjà réveillé la pathologie identitaire qui frappe cycliquement une partie des élites israéliennes et jusqu’au président de l’Etat, Rivlin, qui a mis en garde contre le danger de « fascisme » dont cette loi aurait la potentialité. Rappelons, à ce propos, que le président défend une doctrine de la « nation » pour le moins surprenante, qui prétend qu’il y aurait aujourd’hui en Israël quatre tribus: Ultra-orthodoxes, Arabes, Sionistes religieux, Laïques…
Pourquoi y-a-t-il « pathologie »? C’est en raisonnant par l’absurde que nous pouvons le comprendre. Qui se demande, en effet, si la France peut-être « française et démocratique »? Le nom même de l’État français est « République Française« : française, pas chinoise, ni algérienne (quoique « Françalgérie…) . Qui se demande si la « République Fédérale Allemande » peut être « démocratique »? Pourtant Allemands et Français parlent une langue spécifique, particulière, pourtant leur histoire n’est ni celle de l’Algérie ni de la « Palestine » qui y sont des étrangers (mais il est vrai que les postmodernistes ont entrepris de pulivériser le récit national depuis 20 ans).
Cette question ne se pose/ n’est posée qu’aux Juifs. Elle est discriminatoire quand elle émane de non-juifs. Elle est pathologique quand elle émane d’eux mêmes d’autant qu’elle se pose paradoxalement là où elle ne devrait pas se poser: dans le cadre de la souveraineté israélienne.
Les Israélites israéliens
C’est, en effet, historiquement, une question typique des Juifs assimilés d’il y a deux siècles: les « Israélites », les Moses’ sons comme on dit en anglais, qui voulurent et durent (constitutionnellement) faire oublier leur origine juive sous les citoyennetés nationales qui les avaient accueillis, dans l’esprit (nationaliste) de l’époque. Mais les Israéliens? On sent peser toujours sur eux la survivance de la censure des empires chrétien et islamique pré-modernes qui se définirent comme des « nouvels Israëls » et interdirent aux « Juifs », parias et dhimmis, de se prévaloir de ce nom, comme celle de la censure propre à la citoyenneté moderne qui se crût si messianique qu’elle se crût l’incarnation de l' »Homme ». C’est en effet au nom de l’Homme, de l’humanité, que les Juifs furent conviés à renoncer à leur judéïté pour devenir des « citoyens », nouvelle incarnation de l' »Homme ». L’adversité nazie le prouva plus tard : dépouillés par elle, dans toute l’Europe, de leur citoyenneté les Juifs ne furent même pas reconnus comme « hommes », « humains ». Nous vivons aujourd’hui une réédition du même syndrome: c’est aussi au nom de « l’Homme », des « droits de l’Homme » (mais cette fois-ci opposés aux droits de citoyens) que cet interdit pèse sur les Israéliens, interdits au nom de l' »Homme » d’être des citoyens israéliens ou plutôt « juifs ». Nous verrons pourquoi. Cette demande émane objectivement de consciences qui sont restées encore en deçà de la « souveraineté », qui donne àe entendre que ces « Israéliens » sont une nouvelle version de les « Israélites ». A moins que la souveraineté de l’Etat soit vraiment en danger si ce débat divise profondément les Israéliens.
Israélien? Juif?
Il y a déjà un problème évident dans les termes mêmes de ce débat: le hiatus Israélien-Juif. Le terme officiel qui définit l' »Etat juif » (notion de la « Déclaration d’indépendance », de la déclaration Balfour et du plan de partage de l’ONU en 1947[1]) comme Etat d’Israël le rend possible: le ressortissant de l’Etat juif est « israélien ». C’est ce qui permet à une mouvance de la population juive, laïciste, de jouer de cette ambivalence pour se définir comme « israélienne » et pas « juive », les laïcs prétextant de ce double adjectif de l’Etat pour décréter qu’ils veulent se séparer de l’histoire du judaïsme, parce que « juif » ne désignerait à leurs yeux qu’une religion. La gauche sioniste cède aussi objectivement à cette naïveté, en estimant que « israélien » pourrait inclure les citoyens arabes palestiniens d’Israël, alors que « juif » les en chasserait. Sans doute oublie-t-elle, par manque de culture, que le terme d' »Israël » est un terme biblique, classiquement juif (malgré le coup de force théologique de l’apotre Paul qui nomma les chrétiens « nouvel Israël »). C’est le nom que prend le patriarche Jacob avant de revenir en Terre d’Israël, au terme de son combat avec l’ange. Jamais les Arabes musulmans et chrétiens n’accepteraient de s’identifier à cet Israël-là sans compter que même ce qualificatif s’avèrerait facheux pour la cohérence de la position laïciste.
Un peuple juif?
En vérité, le dilemme « juif-israélien », version identitaire du dilemme « juif-démocratique » appelle, pour ceux qui se la posent, une réponse déjà toute faite: non, à leurs yeux, un Etat ne peut être juif et démocratique. Comment se représentent-ils la catégorie « juif », en effet, sinon comme contraire à la « démocratie »? Et qu’entendent-ils par « juif » et par « démocratique »? Il est clair qu’à leurs yeux, « Juif » désigne une ethnicité, c’est à dire une condition collective inférieure à la condition de nation, « tribale », « tripale », ou une religion, forcément « théocratique » mais pas un peuple politique, une Cité, un demos. Des politologues israéliens ont forgé le scandaleux concept de « démocratie ethnique » pour définir le régime de leur pays. J’aimerais bien qu’ils me montrent une démocratie au monde qui ne soit pas « ethnique », « nationale », fondé sur le socle, nullement « démocratique » car hérité de l’histoire, d’une culture et d’un peuple singuliers!
Démocratie?
Leur conception de la démocratie apparaît en retour complètement utopique sur le plan de la réalité. Ce qu’ils appellent « démocratie » n’existe tout simplement pas. Le projet du « Contrat social » de Rousseau butte, déjà, lui même, sur une impasse insurmontable que Rousseau assume tout en l’esquivant: pour que la communauté politique – auto-constituée et en celà souveraine- puisse avoir des chances de fonctionner (c’est à dire pour que la Loi du Souverain soit obéïe par les citoyens qui le composent et qui en sont les auteurs), il faut une « religion civile », un « patriotisme », c’est à dire une autorité supérieure qui intime l’obéïssance, ce qui ne peut venir que d’une instance mythique et non rationnelle (ce que d’aucuns ont qualifié de « roman national »). Cette autorité est génératrice d’une identité singulière, pour la survie de laquelle le citoyen doit être prêt à se sacrifier, pense Rousseau!
Et, de fait, sous tous les cieux, le régime démocratique n’a pu se développer que dans le cadre d’Etats-nations et de rites propres aux « religions civiles ». Il a produit des identités nationales, sans lesquelles l’Etat providence aurait été impossible. Seul un lien social identitaire pouvait en effet rendre possible la mutualisation des citoyens qui en est la condition.
C’est justement le régime démocratique que mettent aujourd’hui en danger ces idées qui émargent toutes à une idéologie post-marxiste, le « postmodernisme », au nom d’une utopie dite « démocratique » qui ne conduira qu’à une nouvelle forme de totalitarisme. Il y avait bien dans le temps, sous le communisme, des « démocraties » populaires…
Contrairement à ce que pense le défunt marxisme, il n’y a pas en effet de « démocratie » sans identité nationale, sans langue unique, sans récit historique national, sans unité juridique. Les Juifs diasporiques (comme toutes les minorités des pays démocratiques) se sont alignés sur cette réalité incontournable. Celà doit être la règle pour les Israéliens d’origine arabe, également. C’est ce que permet la citoyenneté propre au régime démocratique qui relève d’un statut juridique et qui donc peut accueillir des identités secondaires et minoritaires, mais dans les cadres de la nation et de sa langue.
La décolonisation a de facto été fondée sur la séparation des peuples. Il n’y a plus de non musulmans en Algérie, par exemple, (car l’Algérie se définit par l’islam obligatoire et pas par la nation: son code civil décrète que, pour être Algérien il faut avoir un de ses deux parents musulman). De la même façon, il n’y a plus de Juifs (bientôt plus de chrétiens) dans les Etats musulmans qui, tous, ont adopté l’islam comme religion d’Etat et ont été incapables de produire une citoyenneté qui accueille les non musulmans. Ce constat est valable pour ce que deviendrait un hypothétique Etat palestien, à lire le projet actuel de constitution concocté par l’Autorité Palestinienne.
Judaïsme?
Il faut tout de même statuer sur l’autre « exclu » du dilemme « démocratique et juif », c’est le judaïsme. Que s’imaginent ceux qui pensent que « juif » est le contraire de la démocratie? Je parle ici du judaïsme, pas de la classe rabbinique qui, n’est aucunement, dans les principes de la religion juive elle-même, un clergé détenteur d’autorité, si ce n’est indûment (même si c’est la volonté de l’Etat démocratique). Le judaïsme est tout de même la matrice originelle de l’idée d’alliance, de consentement, de Loi à travers ses textes fondateurs. Sa doctrine conçoit, de même, avec la théorie talmudique des « trois couronnes »[2], la séparation des pouvoirs sacerdotal, ethique et politique. Sans doute les chantres de la « démocratie » seule, comme antithèse du judaïsme, pensent-ils que la démocratie est née à Athènes et pas aussi à Jérusalem…
Demos?
Mais ce qu’il y a sans doute de plus grave, c’est qu’ils semblent dénier aux Juifs le statut de « peuple », car « juif » désigne un peuple autant qu’une religion. Ce qui a caractérisé le sionisme politique, c’est qu’il a donné une définition nationale et non « religieuse » du peuple juif. En dehors du sionisme, l’identité juive relève depuis toujours de la condition de peuple. Elle comprend, certes, un héritage religieux mais que l’on me montre une culture sans héritage religieux! La laïcité française qui a voulu rompre avec les Eglises est elle même une mutation de la « christianitude », aux dires des meilleurs sociologues. Et la « civil religion » américaine, pétrie de Bible et de protestantisme[3]? Qui pense que les Etats-Unis ne sont pas « démocratiques »? Ou que la Grande Bretagne ne l’est pas, elle qui a une religion d’Etat dont la reine est le dignitaire suprême…
La méconnaissance démocratique
Ce qui inquiète pourtant c’est que les Israéliens, bien qu’ils soient le produit d’une « auto-émancipation », semblent être toujours restés sous l’emprise de la logique de l’émancipation, celle justement qui a décrété, dans la parole d’un des députés de l’Assemblée constituante française de 1789, le comte de Clermont Tonnerre: « tout pour les Juifs en tant qu’individus, rien pour les Juifs en tant que nation ». Les Juifs, en effet, ne furent émancipés qu’en tant qu’hommes et pas en tant que Juifs, en tant qu’individus et pas en tant que peuple, communauté, nation. Celà ne fut possible que parce que leurs plus grands défenseurs, notamment l’abbé Grégoire, avaient distingué en eux l’homme du juif pour promouvoir leur émancipation. Le Juif leur apparaissait comme l' »homme » que la persécution avait dégradé et qu’ils aspiraient à « régénérer » pour que le « Juif » en lui disparaisse. La démocratie s’est avérée incapable, dès ses origines, de prendre en considération le peuple juif et d’assurer les conditions de sa survie.
Mais, plus généralement, ce fut vrai de tout autre peuple, car la condition et l’identité collectives sont restées l’impensé de la doctrine démocratique. C’est cette défaillance de la pensée des « droits de l’homme et du citoyen » qui fut la brêche dans laquelle s’engouffra le nationalisme et plus tard le totalitarisme[4], et avant tout, du point de vue juif, l’antisémitisme, né en 1848 avec le printemps des nationalités européen, conséquence non maitrisée et paradoxale de la Révolution française.
Il est accablant de constater que toute une partie de l’élite israélienne ne comprenne pas aujourd’hui que, si le sionisme politique est né, ce fut pour corriger cette défaillance structurelle de la démocratie qui a rendu possible l’antisémitisme, la Shoah, formes les plus tragiques de l’impasse du destin collectif juif dans la modernité politique. Si les Juifs comme individus avaient pu faire leur chemin dans l’émancipation, ils furent rattrapés par le destin collectif et englouti par lui. Aujourd’hui, il n’en est pas autrement avec la campagne mondiale de déligitimation de l’Etat juif toujours au nom de « l’Homme », avec les accusations d’apartheid, de cruauté et de racisme. c’est au nom des « droits de l’homme » qu’on délégitime un Etat juif, comme hier un peuple juif, une communauté juive, une identité juive. Ceux qui les condamnent n’ont qu’à voir ce qui se passe pour le destin de l’Homme en monde islamique, en Afrique, en Extrême Orient et retrouver un peu d’humilité!…
Sartre, une perspective inattendue sur « juif et démocratique »
La défense de la perspective que je tente d’esquisser s’expose à la réprobation et aux assignations idéologiques habituelles en la matière de la part du discours dominant qui l’excluerait des valeurs « démocratiques ». La perspective d’un auteur, en général très loin d’une telle accusation, Jean Paul Sartre, peut jeter une lumière nouvelle sur ce débat. Si Sartre n’avait pu comprendre, dans ses Réflexions sur la question juive de 1947, que la judéïté est dotée d’une historicité, s’il n’avait pu comprendre l’élément « juif » en soi du dilemme « ‘démocratique et juif », il comprit par contre parfaitement le système fatal d’exclusion du Juif dans la politique moderne, et notamment dans la logique démocratique.
Un florilège de citations de ce livre peut nous en donner une idée. Je les ai développées dans mon livre L’idéal démocratique à l’épreuve de la Shoah[5], où j’ai élargi mon travail sur la nature de l’émancipation des Juifs par la Révolution française et sur la nature de leur citoyenneté[6].
Sartre développe à la base un principe dialectique général du Juif, saisi dans la dialectique de « l’homme et du citoyen ». « Pour un Juif conscient et fier d’être juif, qui revendique son appartenance à la communauté juive sans méconnaître pour celà les liens qui l’unissent à une communauté nationale, il n’y a pas tant de différence entre l’antisémite et le démocrate. Celui-là veut le détruire comme homme pour ne laisser subsister en lui que le Juif, le Paria, l’Intouchable; celui-ci veut le détruire comme Juif pour ne conserver en lui que l’homme, le sujet abstrait et universel des droits de l’homme et du citoyen » (13[7]). « Ennemi des Juifs, l’antisémite a besoin d’eux; anti-démocrate, il est un produit naturel des démocraties et ne peut se manifester que dans le cadre de la République » (38). « L’antisémite reproche au Juif d’être juif; le démocrate lui reprocherait volontiers de se considérer comme juif. Entre son adversaire et son défenseur le Juif semble assez mal en point: il semble qu’il n’ait rien d’autre à faire qu’à choisir la sauce à laquelle on le mangera « (69)
Le profil du démocrate
« On peut déceler chez le démocrate le plus libéral une nuance d’antisémitisme: il est hostile au Juif dans la mesure où le Juif s’avise à se penser comme juif » (57). Il nie la réalité de l’antisémitisme: « Il n’y a pas de Juif, il n’y a pas de question juive » (57) soutient-il. “ Il craint que ne s’éveille chez le Juif une conscience juive, c’est à dire une conscience de la collectivité israélite » (67). « Cela signifie qu’il souhaite séparer le juif de sa religion, de sa famille, de sa communauté ethnique, pour l’enfermer dans le creuset démocratique d’où il ressortirait seul et nu, particule individuelle et solitaire, semblable à toutes les autres particules » (57) « Le Juif a un ami pourtant:le démocrate mais c’est un piètre défenseur » (65) « Il ne reconnaît pas le Juif, ni l’Arabe, ni le Nègre, ni le bourgeois, ni l’ouvrier mais seulement l’Homme, en tous temps et en tous lieux pareil à lui même » (65). “Il s’ensuit que sa défense du Juif sauve le Juif en tant qu’homme et l’anéantit en tant que Juif (66)« .« En démocrate, il défend donc le Juif agressé et refusé par l’antisémite, non pas parce qu’il est Juif mais parce qu’il est homme » (67) » Il est hostile au Juif dans la mesure où le Juif s’avise de se penser comme Juif » (68). Objets de commisération, de pitié… les libéraux étaient libres de faire un geste pour le Juif… le Juif n’était pas libre d’être juif » (93) « Avocat des autres membres de l’humanité, le démocrate a fort à faire. Il s’occupe du Juif quand il en a le loisir » (88). C’est sur fond de cette critique que Sartre reconnaissait à cette catégorie de Juifs qu’ils définissait comme les « Juifs authentiques » la liberté judaïque d’un peuple juif autant sous la forme de communauté diasporique que de l’Etat sioniste. « Le Juif peut se choisir authentique en revendiquant sa place de juif dans la communauté nationale… Il peut aussi être amené par son choix à revendiquer une nation juive, possédant un sol et une autonomie. » (135)
De la démission au renouveau
L’intériorisation juive de l’accusation lancée à l’encontre des Juifs par les post-modernistes juifs est aujourd’hui l’aveu d’une tentation suicidaire qui se drappe, pathétiquement, dans les atours de la morale. La démission de soi est le contraire de la responsabilité et de la réciprocité qui sont au fondement de la morale. En interdisant la mention juive, à travers l’utopie de « l’Etat de ses citoyens », c’est à dire l’utopie d’une collectivité politique sans identité, neutre, « générique », on veut faire des Juifs des étrangers dans leur pays, leur seul pays, les renvoyer à nouveau en exil mais à demeure, de surcroît alors qu’ils sont menacés par des identités agressives et totalitaires.
Que les tenants de cette thèse ne s’inquiètent pas, cependant, le judaïsme qu’ils méconnaissent n’a pas, dès ses origines, exalté l’autochtonie ni la fusion tellurique avec la terre. Le caractère juif de la nation israélienne ne retentit pas nécessairement sur la pratique de l’Etat et de la citoyenneté. Il ne signifie nullement que la loi religieuse doive être la loi de l’Etat, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans le principe, si ce n’est qu’il existe des partis dits « religieux » (mais aussi « arabes », « islamique », ou « laïques ») qui, dans le marchandage politicien, poursuivent des intérêts sectoriels problèmatique.
Cette assurance, cependant, ne doit pas négliger que la rencontre du judaïsme et de la politique est, à un tel degré de tension, inédite depuis 25 siècles. Elle intime une précaution du côté « juif » et sans aucun doute un aggiornamento du judaïsme rabbinique qui, sur ce plan)là, est toujours dans la galout.
Il est urgent d’ouvrir le chantier d’une pensée politique du judaïsme, dans le judaisme, pour et dans le peuple juif, en les posant au centre de l’investigation et non dans les marges, ni dans les caves. Cette pensée existe, elle s’inscrit dans la cohérence du judaïsme comme système global. Elle doit être redécouverte, théorisée, approfondie, rénovée, avec l’ambition qu’elle pourrait être actuelle sur le plan de la théorie démocratique, dont l’impasse passée et présente est aujourd’hui évidente. C’est cette nouvelle créativité que devrait rendre possible un Etat d’Israël.
[1] Il prévoyait un plan de partage de la Palestine mandataire (y compris donc la présente « Jordanie ») en un Etat juif et un Etat arabe. Les termes employés, la mise en parallèle de « juif » et « arabe » et non « musulman » indique bien que, dans l’esprit du partage, il s’agit ici de deux « nations » et non de deux « religions », ni d’une « religion » pour les Juifs et d’une « nation » pour les Arabes. Remarquons que pour les « Arabes », il n’est pas dit « palestinien » car la Palestine comme nom « arabe » exclusif n’existe pas. « Palestinien » rassemblait Juifs et Arabes….
[2] Rappelons à ce propos, l’œuvre pionnière de Daniel Elazar et de Stuart Cohen…
[3] Cf les travaux du sociologue américain Robert Bellah.
[4] Shmuel Trigano, L’idéal démocratique à l’épreuve de la Shoa, Odile Jacob 1999; The Democratic Ideal and the Shoah, translated by Gila Walker. Paris 1999, New York, SUNY Press, 2009; Haideal hademokrati bemivhane hashoa, traduit par Avner Lahav, Midreshet Ben Gourion, Presses de l’Université Ben Gourion du Negev, 2009.
[5] Idem, cf. Shmuel Trigano, “Democracy’s Jewish Question: Sartre and Arendt,” in The Democratic Ideal and the Shoah, pp. 101-146, op. cit.
[6] La République et les Juifs, Presses d’Aujourdhui, 1982 ,et en résumé cf. « The French Revolution and the Jews », in Modern Judaism, vol 10, n° 2, mai 1990.
[7] Cette pagination est celle de l’édition des Réflexions sur la question juive en livre de poche (Collection Idées-Gallimard).