Nous saurons dans la journée de ce jeudi si la Marche des drapeaux s’est bien déroulée dans la vieille ville de Jérusalem, sans donner de prétexte à de nouvelles émeutes qui menacent toujours au sein de la population arabe d’Israël et de Judée Samarie.
Depuis l’attaque sur Jérusalem du Hamas et le djihad de la Mosquée d’El Aksa qu’il a lancé et qui a fédéré les populations de ces territoires, Israël vit sous a menace d’une explosion au regard de ses actions dans Jérusalem. Ainsi cette marche des drapeaux qui se tient tous les débuts des mois hébraïques et qui traverse la vieille ville en direction du Kotel est devenue aujourd’hui pour Israël l’objet d’un dilemme du fait de la menace que fait peser le Hamas.
Je dois dire que l’hésitation de la police et du ministre de la défense Ganz à autoriser cette marche, d’abord interdite par la police, puis autorisée par le cabinet de sécurité m’a semblé catastrophique et de très mauvais augure. Le Hamas et les partis arabes israéliens est en train de tester Israël pour voir jusqu’où il tient compte des mots d’ordre des émeutiers. Je fais référence aux partis arabes représentés à la Knesset. On avait notamment vu les députés de ces partis haranguer les foules contre Israël lors des émeutes d’El Aksa (sous protection de la police). Sous cette menace d’émeutes, ce sont de nouvelles règles de comportement pour la population juive dans les quartiers de la ville qui sont en jeu. Cela avait commencé par des affrontements dans le quartier de Shimon Hatsadik, Sheikh Djarar, avec l’ordonnance de la Cour suprême décidant de la récupération de biens juifs occupés par des Arabes quand Jérusalem avait été annexée par la Jordanie du temps de la guerre de 1948. Puis cela a continué avec les émeutes du Mont du Temple.
La question me semble clairement posée: la guerre pour Jérusalem a-t-elle commencé?
Annuler cette manifestation c’aurait été envoyer au Hamas et à ses soutiens le message qu’Israël se soumettait à leur diktat et donc leur reconnaissait le statut revendiqué de protecteurs d’El Aksa, c’aurait donné le signal de la perte à venir de Jérusalem et ouvrir la voie à une dégradation générale.
Jérusalem est en effet une pièce capitale pour la souveraineté et la gouvernance de l’Etat juif mais aussi sur le plan géo-stratégique. Si l’Etat d’Israël a un sens et une légitimité c’est bien en rapport avec Jérusalem.
Jusqu’à ce jour la puissance symbolique que Jérusalem représente n’a pas été édifiée par Israël. La ville était rentrée dans le giron d’Israël de façon non programmée, suite à l’entrée en guerre de la Jordanie en 1967. Une anecdote résume parfaitement l’enjeu contemporain. Elle rapporte l’exclamation du Général Moshe Dayan, vainqueur de la guerre, lorsqu’il découvrit le Mont du Temple devant lui: « Qu’allons nous faire, dit-il, de tout ce Vatican? » Au lendemain il remettait les clefs du Mont du Temple au Waqf islamique. Il fut décidé de vouer le Mont du Temple au culte islamique et de le considérer comme site historique pour les Juifs tandis que le Kotel serait réservé au culte juif. Le cabinet ou trônait pourtant le parti sioniste religieux (Mafdal) acquiesça. Jusqu’à ce jour les Juifs sont interdits de prière sur le Mont du Temple et n’y ont pas libre accès.
Au rendez vous fixé par le destin entre le peuple d’Israël et sa promesse millénaire, en 1967, Israël déclarait forfait. Nul ne sait ce qui se passa dans l’âme de Moshe Dayan en ce moment précis: l’entrechoc de deux univers, le télescopage des générations, la révélation de la nudité du projet sioniste, l’esquive de la lutte avec l’ange ? La démission de l’Israël éternel a alors creusé un vide dans la souveraineté d’Israël, un dans lequel se sont engouffrés les Palestiniens israéliens, dans les limites mêmes de l’Etat, comme pour s’accrocher au trophée le plus important de la Terre d’Israël.
*Chronique sur Radio J le 10 juin 2021