30 000 français sont arrivés ces dernières années en Israël mais ce chiffre est plus ou moins celui des Français ayant reçu la nationalité israélienne mais pas nécessairement celui de ceux qui ont réellement choisi de résider dans le pays de manière permanente.
La diversité des situations
Bien sûr, on a entendu l’expression d’ »alyah Boeing » pour définir ceux qui poursuivent leurs carrières professionnelles en France et reviennent passer leurs fins de semaine en famille en Israël mais il y a aussi tous ceux qui ont laissé en France des parents âgés, des enfants, petits-enfants ou une bande de copains qu’ils ont besoin de revoir très souvent. On voit également errer des jeunes, diplômés ou non, à la recherche de « leur place », un premier emploi, un fiancé, un appartement, et qui cherchent quelques mois en Israël puis quelques semaines à nouveau en France, découragés parfois et pleins d’espoir à d’autres périodes.
Il est impossible de connaitre le nombre de ceux qui renoncent et rentrent en France. On parle de 10 à 30 % (!?), car même les retours ne sont peut-être pas définitifs. On constate que ceux qui en parlent le plus sont ceux qui ont choisi de rester en France, d’autant que, parmi ceux-ci, certains ont une vraie aversion à l’idée de vivre en Israël, même si c’est leur seule destination de vacances.
En fait, la réalité de l’alyah est toujours une surprise alors que ses problématiques sont attendues.
Le cap de l’hébreu
Le premier et grand sujet est la langue, même si les exigences sur ce plan peuvent être très différentes. Apprendre une langue nouvelle paraît très difficile à ceux qui sont loin de leurs années d’études, quel que soit le niveau de compétences qu’ils possèdent par ailleurs. Il faut de toutes façons un minimum d’humilité pour se retrouver étudiant dans une matière qui semble très étrangère à beaucoup et le rythme des cours d’oulpan n’est pas facile à suivre quand on a toutes sortes d’autres problèmes à régler. De plus, pour ceux qui entrent à l’oulpan au premier niveau, il est certain que les 500 heures octroyées par le Merkaz Klita sont très insuffisantes.
C’est pourquoi la première demande d’aide auprès des associations est celle de l’apprentissage de la langue, de la lecture du courrier, de l’accompagnement dans les administrations, de l’établissement de dossiers, de CV, de lettres de motivation, de petites annonces, et également de cours de soutien scolaire pour les enfants, grands et petits, de listes de médecins français, de manifestations, spectacles ou conférences en français…
Et il nous est arrivé de recevoir des personnes très diplômées qui nous apportaient tout leur courrier sans même avoir ouvert les enveloppes, incapables qu’elles étaient de distinguer une facture d’électricité d’une publicité pour les activités culturelles de la mairie de Tel Aviv. Il est clair que ces gens se sentaient effrayés et humiliés par la situation dans laquelle ils se retrouvaient.
Le pire étant sûrement d’ailleurs de voir leurs enfants – qui n’avaient peut-être pas demandé à quitter la France, leur école, leurs copains ou leurs grands parents – totalement perdus et désespérés pendant les premières semaines et d’être totalement incapables de les aider.
Enfin, pour finir sur ce sujet de l’apprentissage de l’hébreu, le problème est encore plus grave pour ceux qui se voient devoir travailler en hébreu et plus spécialement pour les commerciaux, les professions libérales, tous ceux qui se verront demander de rédiger et de recevoir des courriers, des rapports ou même des courriers électroniques.
La solitude
La deuxième problématique de l’alyah qui se retrouve dans les plaintes auprès des associations est clairement celle du sentiment de solitude qui assaille la personne âgée, l’étudiant ou le parent isolé et la demande peut aussi bien être concrète (une baby sitter, une aide soignante ou un contact dans un milieu professionnel spécifique…) que psychologique (invitation pour Shabbat, visites, rencontres sous prétexte de randonnées ou de shopping…).
Et quand on interroge les « yordim » – ceux qui rentrent en France, la réponse est le plus souvent : « je me sentais seul, loin de la famille, parents, enfants.. ». De plus, pour celui qui est en recherche d’un emploi en Israël, l’absence de « réseau» allonge considérablement le temps de ses recherches. Pour les éventuels employeurs, ne pas pouvoir appeler un précédent patron « référent » est également une difficulté.
Les diplômes
Une autre problématique de l’alyah est la validation des diplômes français et de diverses compétences, tels que le permis de conduire, les différents apprentissages acquis en France… et on s’adresse alors aux associations pour qu’elles interviennent auprès des administrations ou même des politiques pour obtenir de telles reconnaissances.
Et même si un médecin ou un plombier français a acquis des compétences qu’on peut considérer comme universelles, ce médecin ou ce plombier devra faire la preuve de ce qu’il sait faire et accepter pendant une période assez longue un salaire très bas et un statut inférieur à celui dont il bénéficiait en France.
Les études, les systèmes, les institutions semblent à priori très différents et se remettre en question est souvent vécu comme douloureux.
L’armée
L’incorporation à l’armée des jeunes olim est une étape particulière, parfois attendue et désirée, souvent redoutée et repoussée. Ces jeunes viennent d’un pays installé dans une situation de paix depuis des décennies et qui possède une armée de métier ; même leurs parents n’ont pas connu la conscription pour la plupart d’entre eux.
De plus, certaines notions n’ont plus vraiment cours en France, telle que l’idée de « patrie » qu’il faudrait « défendre » et ils ont du mal à comprendre qu’un soldat israélien n’est pas une sorte de « scout » qui part en randonnée avec ses copains.
Ils s’adressent alors aux associations afin d’avoir des informations précises sur le processus d’incorporation, sur les différentes missions qui leur seront demandées, sur la possibilité d’obtenir des formations à l’armée, des sursis ou des coups de pouce éventuellement. Les jeunes filles posent des questions sur l’alternative à l’armée, le « cherout Leumi » et les critères d’obtention de cette formule.
Aide aux démarches
Ce qui est communément demandé également par le nouvel immigrant, c’est une aide auprès des différentes administrations. Il peut avoir besoin d’être accompagné physiquement ou seulement d’une assistance pour remplir un dossier. Parmi les olim de France, certains arrivent après 60 ans, d’autres sont handicapés ou malades et ils entendent bien essayer de retrouver les mêmes structures et les mêmes aides que celles qu’ils avaient en France.
Ces administrations (Bituah Leumi) font d’ailleurs l’effort d’engager des volontaires français qui sont présents à l’accueil des olim et leur permettent de faire avancer leurs dossiers le plus rapidement possible.
Les volontaires des associations sont également sollicités pour intervenir auprès des associations écoles, collèges et lycées, ainsi que pour l’obtention d’un permis auprès des mairies, ou d’un document de douane ou de police, etc…
Recherche d’emplois
Certaines associations sont spécialisées dans l’aide à la recherche d’emploi et elles sont appelées à recevoir les demandeurs, organiser des formations, aider à la rédaction de CV et bien sûr à les mettre en contact par tous moyens avec des entreprises israéliennes. D’autres se voient demander une aide à la création d’entreprises ou à des demandes de prêts auprès des banques.
Petite remarque : on compte environ 70 associations d’aide aux olim de France en Israël (regroupées dans Qualita). De plus, dans la plupart des mairies des villes préférées des nouveaux arrivants, des personnes ou même des services sont à leur disposition.
L’alyah: une aventure
Pour autant, cette liste des difficultés de l’alyah n’est sûrement pas exhaustive et les situations particulières sont diverses et variées comme est variée la population des candidats à l’installation en Israël, sachant que, contrairement à ce que croit l’israélien moyen, c’est toute une société qui est représentée, pauvres et riches, personnes âgées, jeunes adultes ou enfants, familles ou personnes isolées, diplômés et qualifiés ou non…
Ces personnes ne repartent pas tout à fait de zéro car elles viennent d’un pays riche et développé d’où elles apportent parfois compétences, économies, retraites, et certains se souviennent d’une précédente rupture, le départ de leurs parents vers la France, venant d’autres pays beaucoup moins développés et en ayant abandonné tous leurs biens.
L’alyah reste cependant une aventure exaltante et les associations recommandent de la préparer avec soin, en prenant si possible une petite avance sur l’apprentissage de la langue hébraïque avant même de quitter la France.