Nachman Shaï a été député Travailliste jusqu’en 2019. Il est candidat au scrutin de mars. S’il reconnait que son parti est en difficulté, il reste convaincu qu’il a encore sa place en politique israélienne.
Propos recueillis par Pascale Zonszain
Menora.info : Savez-vous qui vous recommanderez pour former la prochaine coalition gouvernementale ?
Nachman Shaï : Nous ne prendrons aucune décision avant les résultats du scrutin. Nous appartenons au bloc de centre-gauche, mais nous sommes libres de nos décisions. Nous n’avons qu’une seule certitude : nous ne participerons pas à une coalition avec Benyamin Netanyahou. Tout le reste est ouvert.
Ce qui veut dire que le parti Travailliste n’exclut pas une coalition qui inclurait par exemple une rotation à la tête du gouvernement entre Yaïr Lapid du parti Yesh Atid et Gideon Saar, du parti de droite Nouvel Espoir ?
Nous ne voulons pas entrer dans ces considérations avant les résultats. Nous déciderons alors quel sera le meilleur moyen de servir les intérêts de notre parti. Nous avons un programme de politique étrangère, nous avons un programme social. Nous voulons voir qui sera le plus apte à les prendre en compte. Nous venons avec une idéologie, alors que la plupart des partis n’en ont pas. Nous avons une réflexion pour l’Etat d’Israël et nous voulons mettre nos idées en application.
Vous parlez de l’idéologie, du programme du parti Travailliste. Pourquoi les électeurs du centre-gauche ne reviennent-ils toujours pas dans le giron travailliste ? Pourquoi sont-ils même prêts à voter pour des partis de droite ?
Beaucoup de gens font une erreur grave. Ils veulent tellement remplacer « Bibi », qu’ils sont prêts à voter pour des partis de droite. Et ce qui risque d’arriver, c’est que Bibi va peut-être tomber, mais qu’on verra à sa place un gouvernement très extrémiste, très à droite. Il faut donc que les électeurs réfléchissent bien à ce qu’ils vont faire. En votant pour le parti Travailliste, ils nous renforceront et nous aideront à préserver leurs idées et leurs valeurs. Au bout du compte, chacun fait ce qu’il veut, mais je pense que c’est une erreur, pour les électeurs de centre-gauche, de voter pour des partis de droite. Nous leur proposons un parti fidèle à ses positions et qui veut les mettre en œuvre. J’aimerais que ce soit à cela qu’ils pensent, en entrant dans l’isoloir.
Mais ce n’est pas la première fois que le parti Travailliste voit son électorat se tourner vers d’autres partis, en particulier centristes. Votre parti ne convainc plus ?
Nous avons changé beaucoup de choses pour ce scrutin. Nous nous sommes renouvelés. Nous sommes dirigés par une femme, Merav Michaeli. Notre liste respecte la parité homme-femme. Nous avons intégré des nouveaux venus aux côtés de vétérans comme moi ou comme Omer Bar-Lev. Nous sommes un parti intéressant. J’espère que nous aurons plus que les six mandats annoncés par les sondages [Nachman Shaï est en huitième position sur la liste des candidats, NDLR].
Qu’est-ce qui ne fonctionne plus ? Est-ce que c’est le concept « gauche » qui est devenu un repoussoir ?
C’est l’œuvre de Benyamin Netanyahou. C’est lui qui a conduit les gens à avoir peur de dire qu’ils sont de gauche. Et il y a réussi au-delà de toute attente. Les gens se sentent coupables en disant qu’ils sont de gauche.
Comment le parti Travailliste peut-il se redresser ? Que peut-il faire sur le long terme, après les élections ? En fusionnant avec Meretz, en fondant un parti judéo-arabe ?
Non ! Absolument pas ! Nous avons au sein du parti une représentation arabe. Nous avons un éventail très riche de personnalités différentes. Quant à l’option de fusion, que ce soit avec Meretz ou d’autres, dans l’espoir de gagner des mandats supplémentaires, c’est une mauvaise idée. Nous avons vu ce que cela a donné aux élections de mars 2020 [l’alliance Travailliste-Meretz-Gesher a obtenu 7 mandats, NDLR]. En politique, un plus un, ça ne fait pas deux. Ça fait un et demi dans le meilleur des cas.
Y a-t-il toujours la place pour deux partis sur la gauche de la carte politique israélienne ?
Bien sûr ! Car nous ne sommes pas vraiment à gauche. L’extrême-gauche, ou du moins la gauche plus radicale, c’est Meretz. Le parti Travailliste lui, est plus modéré, plus orienté vers le centre. Et nous sommes en désaccord avec Meretz sur des points fondamentaux, par exemple sur son soutien à l’Etat de tous ses citoyens [par opposition à l’Etat-nation du peuple juif, NDLR], sur le partage de Jérusalem, et bien d’autres thèmes. Nous ne sommes pas Meretz, et Meretz n’est pas le parti Travailliste. Si l’on peut faire des compromis quand il s’agit de gouverner ensemble, cela ne veut pas dire renoncer à nos différences. Et le parti Travailliste n’a jamais été de gauche. Il a été de centre-gauche et s’est déplacé vers le centre. Il est vrai aussi que nous avons perdu beaucoup de nos électeurs qui ont rallié d’autres partis comme Bleu Blanc et d’autres. Mais je crois que ces électeurs regrettent maintenant leur choix, vu ce qu’il a produit.
Que faut-il pour faire redémarrer le moteur du parti Travailliste ?
Des mandats ! Il n’y a pas de secret, c’est avec des sièges au parlement que l’on peut agir, que l’on obtient les financements nécessaires pour développer l’activité sur le terrain, rouvrir des permanences, sillonner le pays et refaire nos forces. Le parti Travailliste a des racines profondes. Il faut s’y reconnecter et les ranimer. Ce sont ces racines qui nous ont déjà permis de passer de zéro à six mandats depuis le début de cette campagne.
Le parti Travailliste peut-il un jour retrouver une place de parti de pouvoir ?
C’est une bonne question. Je ne sais pas. En 2015, nous pensions être remontés en selle quand nous avions obtenu 24 sièges aux législatives. Mais ça n’est pas si simple. Face à nous, il y a toujours un Likoud fort et Benyamin Netanyahou qui est un maitre en matière de campagne électorale, certainement le meilleur que je connaisse.