Le statut du « dhimmi » régit la condition des « Gens du livre », Juifs et chrétiens. Il y a une méprise quand on traduit « dhhimmi » par « protégé ». « Protégé » contre qui? Cela ne peut être les musulmans puisque ce statut n’existe que sous la domination d’un pouvoir politique et juridique musulman. Il ne peut non plus s’agir de protéger des atteintes des non musulmans pour la même raison. En fait, il s’agit de protéger Juifs et chrétiens (seuls, pas les autres religions) qui se soumettent au pouvoir musulman, de la rigueur de la loi musulmane, la sharia, qui exige leur mort en tant que chrétiens et Juifs n’ayant pas accepté la révélation mahométane. En se soumettant (le sens du mot « islam ») au pouvoir musulman et en adoptant les règles exigées d’eux, ils conservent le droit de vivre. Le code qui régit cette condition, a été pour la première fois établie par un calife du 7ème siècle c’est à dire dès l’invasion islamique en Orient et en Occident.
Pour acheter son droit de vivre sous un pouvoir musulman, le dhimmi devait tout d’abord payer un impôt spécial assez lourd, la taxe de capitation (djiziya) dans des conditions humiliantes (un soufflet par exemple ou un coup sur la nuque avant d’être chassé brutalement) et un impôt, le kharadj, sur les propriétés terriennes.
Il était soumis à des mesures d’abaissement et de discrimination. Il n’avait pas le droit
-d’élever la voix pendant le culte
-d’abriter un « infidèle » (tout non musulman est un infidèle)
-de s’assembler dans des quartiers musulmans,
-d’apprendre le Coran,
-de s’approcher d’une mosquée
-de ressembler aux musulmans par la selle des chevaux, les noms et les sceaux
-de porter des armes
-de vendre du vin
-de construire des maisons aussi hautes que celles des musulmans
-de toucher un musulman
de manquer de respect au prophète
Les dhimmis devaient porter des vêtements spéciaux (châle, ceinture) pour qu’ils soient identifiables par tous, des chaussures spéciales sans talon et laissant le pied à demi sur le sol, céder le pas aux musulmans dans la rue. Ils devaient résider dans des quartiers séparés et n’avaient le droit d’en sortir qu’à certaines heures. Les orphelins juifs étaient convertis à l’islam d’office. Le témoignage d’un Juif n’avait aucune validité juridique et le suzerain musulman avait tous les droits sur les personnes juives. Les Juifs étaient affectés à des tâches dégradantes comme le nettoyage des égouts. En pays chiites, quand il pleuvait les Juifs ne devaient pas sortir de chez eux pour ne pas rendre impurs les musulmans. Pour la même raison ils ne devaient pas boire aux fontaines.
La condition dhimmie est un vrai système « d’avilissement » selon le terme de Léon Poliakov, un système essentiellement discriminatoire, proche du racisme. A défaut d’avoir une autre couleur de peau, les Juifs étaient socialement marqués par leurs habits obligatoires, par la rouelle, ce signe de tissu jaune qu’ils devaient porter qu’ils avaient inventé et que l’Europe chrétienne avait rapidement adopté.
Pour comprendre les origines de cette réalité, il faut certes comprendre le rapport concurrentiel de l’islam au judaïsme et au christianisme, et remonter aux sources anthropologiques de la culture coranique. Adam et tous les personnages bibliques sont tous tenus par le Coran pour des « musulmans », une idée qui découle de la double entente du mot « musulman », soumis » (à Dieu), une qualité qui définit la bonne humanité. Si la généalogie biblique aboutit au « sceau de la prophétie » que serait Mahomet, les Juifs et les chrétiens qui ne se « soumirent » pas (autre acception) à lui ni n’entendirent son message sont des rebelles à Dieu et son prophète.
Cette perspective théologique quand elle reste dans la seule croyance religieuse est un chose mais elle est une autre quand l’islam (oumma) est définie comme un pouvoir politique, celui du calife, substitut de Dieu qui mène le djihad sur toute la planète. Pour établir le royaume de Dieu. En effet si le premier homme Adam était à l’origine musulman, toute l’humanité est en principe naturellement musulmane, ce qui implique tous les non musulmans sont une humanité défaillante que l’islam doit réduire au nom de la véritable humanité. Ainsi le corollaire politico-militaire est clair. Le djihad est une obligation pour racheter l’humanité originelle et rétablir la religion naturelle de l’humanité.
La terre entière autre que le territoire de l’islam doit être combattue et conquise, ce qui donne lieu à une théorie juridique partageant la planète entre différents « territoires ». Les terres sans pouvoir musulman dominant appartiennent au « le domaine de l’épée », Dar el Harb, où se mène le djihad. Elles doivent être conquises et intégrées aux territoires de l’islam où règne la paix et pas le djihad. Il existe un troisième type de territoire, le dar el sokh, celui de la « trêve », un territoire dans l’attente de son islamisation, à moins que le trêve dont il est découle de ce que le pouvoir musulman est dans un rapport de forces qui ne lui est pas favorable militairement. C’est en somme un territoire de repli quand l’islam n’est pas assez fort pour conduire le Djihad et qui se présente comme pacifique.
Dans le territoire de l’islam il est concédé aux Juifs et aux chrétiens seuls le droit de survivre, aux conditions, que le pacte du dhimmi définit. Les autres religions qui ne sont pas celles de hommes du Livre (Tora et Nouveau Testament) n’ont pas droit de survivre si elles ne se convertissent pas à l’islam.