Peut-on parler d’autre chose que de la pandémie? C’est sans doute un phénomène considérable qui va décider du sort de la civilisation. Peut-être les historiens du futur pourront dire que c’est là, en 2020, que commence vraiment le XXI° siècle et pas avec le millénaire et les folles prévisions qui avaient été faites alors, au point que certains observateurs avaient prophétisé la naissance d’un nouveau millénarisme, au point que les générations devenues adultes dans les années 2000 se virent qualifiées de ‘milléniales »…
Pour reprendre une terminologie macronienne, c’est le « nouveau monde » qui va se voir remiser au placard. Après l’ivresse de la mondialisation, c’est la prise de conscience du quant à soi qui s’imposera. La délocalisation de la production et de l’économie a montré combien la société, privée de ses productions fondamentales (les médicaments par exemple) pouvait se retrouver dans l’adversité. Il va falloir relancer toutes les industries nationales et, pour qu’elles marchent, les protections douanières aux frontières, et pour cette protection relever le pouvoir de l’Etat et pour que l’Etat soit efficace, l’asseoir sur la nation. L’UE perdra forcément en intensité, voire s’étiolera ou disparaitra si la Banque européenne ne fait pas face au défi du redépart de l’économie à la fin du confinement. On peut aller plus loin et prévoir le recul et la marginalisation de l’idéologie post moderniste qui gère aujourd’hui l’agenda des démocraties occidentales, pourtant si destructrice des mœurs et de la conscience collective.
Le lendamain du Corona verra se développer des tensions sociales considérables, fruit du chomage massif qu’a engendré le confinement sur toute la planète. La crise économique promet d’être considérable. Espérons qu’elle ne se doublent pas de régelements de compte dont on sent les prémices dans les réseaux sociaux en quête d’un bouc émissaire pour cristalliser leur angoisse et leur révolte contre la situation. Sur ce plan, les dispositifs policiers et militaires pour faire respecter le confinement sont révélateurs non seulement d’une nouvelle pratique policière – inconnue auparavant dans des situations non pénales mais criminalisées – mais aussi d’un contrôle à distance des plus pernicieux.
La métaphore de la guerre invoquée pour définir la nature de la lutte contre la pandémie est de ce point de vue particulièrement regrettable sur le plan de son impact. C’est le deuxième effet après la maladie et la contamination venues de Chine qui, en quelque sorte, a donné le modèlede la crise et de sa gestion, unmodèle que le monde entier applique sans sourciller. Deux autres développements s’ajoutent à cette perspective. L’affaiblissement de la souveraineté démocratique face à la montée sur la scène d’un nouveau pouvoir, celui des experts (en l’occurence médicaux) qui prennent les décisions importantes derrière lesquelles se cachent les politiques: le pouvoir des savants en quelque sorte, mais qui le contrôle, qui le nomme d’autant qu’il est apparu qu’il est aussi une arène de conflits internes (cf. le procès fait au professeur Raoult)?
Tous ces éléments font de l’après pandémie une énigme. A mesure que se rapproche la sortie du tunnel nous en comprendrons les conséquences.
Espérons que le message de Pessah – dont nous allons témoigner dans de bien étranges conditions – nous portera. « Je passerai au dessus de vous et il n’y aura pas en vous de fléau » est -il dit dans Ex, 12-13. Neguef, le fléau, est-il dit en hébreu. Le même radical, « Naguif », désigne en hébreu moderne,le « virus ». Espérons que cette protection puisse être aussi à l’œuvre en cette époque!
* A partir d’une chronique sur RadioJ, le vendredi 3 avril 2020.