A chaque fois qu’Israël se trouve confronté à une attaque d’ampleur de ses voisins, le sujet fait irruption dans l’actualité française. On l’a vu par le passé, les sympathisants de l’islam radical en France sont ensuite prompts à se saisir de l’émotion créée pour libérer leurs pulsions pogromiques, comme cela s’est produit la dernière fois en 2014.
Cette fois-ci au moins, le gouvernement semblait avoir conscience du potentiel de débordements que les manifestations pro-palestiniennes peuvent avoir, puisqu’il en a interdit la tenue le 15 mai. Les manifestants ont tout de même bravé l’interdiction, la haine a été présente, les slogans ont voué Israël à la mort, l’agressivité était palpable, mais la violence a été contenue et il n’y a pas eu de sac de synagogue ou autre attaque antisémite.
Toutefois l’intention d’en découdre est là. Qu’en est-il de l’un des facteurs de cette violence, la couverture médiatique souvent biaisée dont on sait, depuis l’affaire al-Dura au moins, qu’elle peut servir de prétexte et de carburant aux agitateurs anti-juifs ?
Un oppresseur et un opprimé désignés
Depuis des années, les médias français ont adopté un véritable prisme palestinien lorsqu’ils parlent d’Israël. L’Etat juif et les territoires palestiniens abritent l’une des plus grandes concentrations au monde de correspondants de presse, relativement au nombre d’habitants. Les succès d’Israël en matière de high tech ou de gestion de l’eau les intéressent. Ils en parlent parfois avec une certaine admiration. Mais leur principale préoccupation, de loin, est le « conflit israélo-palestinien ». La moindre escarmouche survenant en Judée-Samarie, dans la bande de Gaza ou à Jérusalem y est rapportée, de manière totalement disproportionnée par rapport à son importance.
C’est ainsi que le 10 mai, Le Monde a orné sa Une d’une grande photo des émeutiers d’al-Aqsa. Dans le même temps, un entrefilet sur la même page était consacré à un attentat dans une école de Kaboul. Plus de 60 personnes, dont beaucoup de jeunes filles, avaient perdu la vie dans la capitale afghane alors que, ce jour-là, on ne déplora pas une victime dans les « flambée de violence » de Jérusalem. Some lives matter more than others.
La principale constante du narratif médiatique repose sur les notions d’« occupation » et de « colonisation », qui permettent de présenter les Juifs comme des oppresseurs spoliant des Palestiniens de leurs droits. Il faut pour cela des omissions récurrentes : on parle le moins possible des accords d’Oslo, qui ont conféré des droits à Israël ; on évacue l’histoire d’avant 1967, avec des occupations qui se dont jamais mentionnées en ces termes, celles de la Jordanie et de l’Egypte. En parallèle, pour diaboliser un camp, il faut idéaliser l’autre, celui des « opprimés » : on ne parle presque jamais des projets génocidaires des mouvements palestiniens, ni de l’idéologie qui les motive.
La propagande s’adapte toujours à son époque
Cette rhétorique évolue au gré des préoccupations contemporaines. En 2020, marquée par l’irruption du mouvement « Black Lives Matter » aux Etats-Unis, on a vu éclore des articles montant en épingle des incidents ayant opposé la police israélienne à des Palestiniens. Il y a ainsi eu plusieurs « George Floyd palestiniens ». Quoi de mieux pour renforcer le côté victimaire ?
On a vu apparaître aussi une nouvelle désignation pour certains Juifs, parfois réellement d’extrême-droite, mais qualifiés abusivement de « suprémacistes juifs » (une quasi-nazification qui résonne là aussi avec des courants américains qui veulent imposer la « théorie critique de la race », faisant des Blancs et par extension des Juifs des oppresseurs racistes qu’il faudrait combattre). Jamais cette dénomination n’a été appliquée à un Palestinien, aussi extrémiste soit-il.
Et, dernière nouveauté en date, Le Monde a commencé lors des émeutes anti-juives dans des villes comme Lod (ville mixte à majorité juive et minorité arabe) à parler de « villes palestiniennes d’Israël », puis à évoquer des « colons juifs » qui seraient venus « judaïser » ces villes. Comme quoi, certains ne voient pas que la Judée-Samarie comme occupée, mais peut-être bien tout Israël dont le caractère juif tend ainsi à être remis en cause.
Quelle appétence le public a-t-il encore pour le récit palestinien ?
Certes, le narratif palestinien domine toujours les médias. Cela a été visible à nouveau pendant l’opération « Gardien des remparts », alors que les médias ont désigné la « colonisation » dans le quartier jérusalémite de Shimon haTzadik / Sheikh Jarrah comme le détonateur de l’agression du Hamas, sans donner le point de vue israélien sur ce litige juridique somme toute marginal, ni parler par exemple des agressions antérieures de Juifs orthodoxes diffusées sur Tik Tok, qui ont contribué à l’envenimement de la situation. Ils répètent, comme à chaque fois, dans la foulée de l’AFP, le décompte de victimes fourni par le Hamas, en soulignant le nombre d’enfants palestiniens tués, mais sans préciser que la plupart ont été victimes de tirs ratés de la part des djihadistes.
Le Monde ou Libération continuent de faire des Unes sur un sujet dont ils savent une partie de leur lectorat friand. Des sujets falsifiés circulent, tel un lynchage d’automobilistes juifs à Jérusalem qui a été présenté par Euronews comme une attaque à la voiture bélier commise par le conducteur juif contre des manifestants palestiniens – idéal pour inciter à la haine antisémite.
Reste que la France évolue aussi. Depuis 2014, de nombreux attentats islamistes ont touché le pays. Beaucoup de Français savent qu’ils sont devenus des cibles et que la menace ne plane pas seulement sur les Juifs. Et puis, des pays arabes se sont rapprochés d’Israël. Les Français n’ont pas de raison d’être plus hostiles à l’Etat juif que ces pays…
Un certain nombre de spécialistes à tendance antisioniste continue de faire la tournée des plateaux. Ils sont le pendant des ONG du même bord qui sont les sources privilégiées des médias.
Mais on voit aussi un petit peu de diversité, notamment sur les chaînes privées d’information en continu. David Pujadas sur LCI a ainsi donné la parole à une journaliste engagée d’origine iranienne, Abnousse Shalmani, qui a défendu Israël mieux que ne l’aurait fait n’importe quel ambassadeur, parlant sans langue de bois de l’impact du mois de Ramadan sur l’aggravation de la situation, évoquant les agressions de Juifs sur Tik Tok, et replaçant dans son contexte la dispute du quartier de Shimon haTzadik / Sheikh Jarrah.
Et puis, en ces temps où la société est chamboulée depuis un an par la crise du Covid, l’intérêt du public est peut-être ailleurs. Cela serait peut-être bien le seul avantage de cette situation, même s’il ne faut pas se faire d’illusion : le tropisme pro-palestinien reste fort en France, et la petite communauté juive n’a pas le poids pour faire la différence. Les sympathisants actifs de l’islam radical ne peuvent que se nourrir des informations qui stigmatisent Israël, et la charge symbolique de la souveraineté juive est telle que le monde n’est pas près de s’en désintéresser. La désinformation contre Israël a certainement encore de beaux jours devant elle.